En matière de relance de l'investissement public, l'Etat est loin d'être le seul maître du jeu. Sa marge d'action apparaît même bien faible comparée à celle des collectivités dont les investissements représentent la moitié de l'activité du secteur des travaux publics. Mais alors que l'Etat a annoncé 11 milliards d'euros d'investissements dans les infrastructures dont les effets sur les carnets de commandes des entreprises ne devraient se faire sentir pleinement qu'en 2010-2011, aucune évaluation précise des projets d'investissement locaux n'avait été faite.
La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) s'est donc livrée à ce travail de recensement entre le 15 décembre et le 15 février derniers. Résultat : 10.705 projets ayant pour la plupart vocation à être lancés en 2009-2010 et représentant un volume d'activité de près de 20 milliards d'euros, soit 6 mois d'activité pour les 8.300 entreprises du secteur,  figurent aujourd'hui dans les cartons. Localisés dans près de 4.500 communes aussi bien urbaines que rurales sur tout le territoire métropolitain, 90% de ces projets ont comme maître d'ouvrage une collectivité territoriale (50% une commune, 25% une intercommunalité et 16% un département), ce qui correspond à 13,7 milliards de travaux. S'ils arrivent derrière les communes par le nombre d'opérations, les départements totalisent plus du quart des projets en valeur, à 5,4 milliards d'euros.

Un grand nombre de petits projets rapides à mettre en oeuvre

Contrairement à l'Etat et aux autres opérateurs publics qui se positionnent surtout sur des projets importants (plus de 50 millions d'euros), les projets des collectivités sont de taille plus modeste : un sur deux a un montant inférieur à 240.000 euros. De ce fait, "beaucoup d'opérations peuvent être démarrées rapidement avec des financements limités", a estimé Patrick Bernasconi, lors d'une conférence de presse ce 9 mars. Pour le président de la FNTP, il faudrait accélérer le lancement d'environ un quart du montant de ces 10.000 projets, soit 5 milliards d'euros, dès le second semestre 2009, pour contenir la chute de l'activité et sauvegarder ainsi 40.000 emplois directs et indirects dans les travaux publics.
Mais la réalisation de ces projets n'a pas seulement vocation à répondre à l'urgence de la crise. "Ils correspondent à des besoins réels et durables de modernisation et de renouvellement d'infrastructures qui pour 80% d'entre elles ont été réalisées après la guerre, plaide Patrick Bernasconi. Ils  rejoignent aussi les objectifs du Grenelle de l'environnement et bénéficient à toute la société." Plus d'un projet sur deux vise à créer un environnement de qualité, qu'il s'agisse du domaine de l'eau ou de l'assainissement (création de nouvelles stations d'épuration, renforcement et réhabilitation des réseaux...) ou des aménagements urbains (programme de rénovation urbaine, par exemple). Ces projets, essentiellement portés par les communes et leurs groupements, représentent 7,9 milliards d'euros selon les estimations de la FNTP. Plus d'un cinquième des projets, soit 2,9 milliards d'euros concernent la sécurité sur les routes et les voies ferrées (suppression des passages à niveau dangereux) ainsi que la fiabilité des approvisionnements en eau et en énergie. Un projet sur cinq, représentant au total 6 milliards d'euros, a trait à la mobilité et à l'accessibilité des territoires à travers les transports individuels ou collectifs. Enfin, 6% du nombre des projets mais 14% des montants (2,8 milliards d'euros) correspondent à des initiatives en faveur du développement économique : il s'agit des grands projets d'aménagement tels que des plates-formes logistiques ou des projets portuaires, qui sont toutefois sous-représentés dans le recensement de la FNTP, très axé sur les communes.

Un livret d'épargne dédié aux infrastructures durables

Pour que ces projets voient rapidement le jour, les représentants des fédérations régionales des travaux publics vont aller à la rencontre des élus et des préfets. Mais le président de la FNTP ne masque pas les difficultés. "On craint l'attentisme lié à la raréfaction de l'argent et les conséquences des signaux contradictoires envoyés par l'Etat. Il y a d'un côté une mesure extrêmement positive avec le remboursement anticipé du FCTVA pour les collectivités qui augmenteront leurs investissements en 2009. Mais, de l'autre, l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle qui fragilise la volonté d'investir des collectivités. Nos entreprises paient cette taxe mais en retour ce sont 8 milliards d'euros qui sont fléchés par les collectivités vers notre secteur grâce à elle. Si on la supprime, il faut trouver le moyen de préserver la capacité d'investissement des collectivités et de maintenir le lien entre la collectivité locale et l'entreprise au sens large. Nous estimons donc qu'il est urgent de stabiliser le paysage territorial et fiscal du pays."
Dans l'immédiat, et pour lever les obstacles financiers qui empêchent le lancement rapide des projets, la FNTP propose à l'Etat de mettre en place un nouveau livret d'épargne défiscalisé, le livret des infrastructures durables (LID), qui, à l'instar du livret A pour le logement social ou du livret développement durable pour les travaux d'économies d'énergie, servirait à financer les investissements en infrastructures. Selon Patrick Bernasconi, "si un million d'épargnants ouvraient dès la première année un livret en y plaçant en moyenne 5.000 euros, l'encours du LID atteindrait 5 milliards d'euros, ce qui représenterait à peine 1% de l'ensemble des encours de l'épargne réglementée".
Cette ressource qui serait alors prêtée par les réseaux bancaires à un taux préférentiel aux collectivités leur permettrait, avec leurs autofinancements, d'engager des investissements à hauteur de 12 milliards d'euros, a calculé la Fédération. Le président de la FNTP a parlé de ce projet à Nicolas Sarkozy et à différents banquiers de la Place qui se sont montrés intéressés. Il doit rencontrer ce 10 mars le secrétaire d'Etat aux Transports, Dominique Bussereau. Des contacts sont également en cours avec Bercy. " Une fois les décisions prises, un trimestre suffirait à mettre en place un tel produit qui permettrait aux banques de récupérer des liquidités qui leur font aujourd'hui cruellement défaut", conclut Patrick Bernasconi.

Anne Lenormand

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