Depuis novembre 2018, le conseil municipal d’Annecy a instauré, par délibération, 33 périmètres de préemption commerciale sur l’ensemble de la commune nouvelle (1). « Cet outil nous permet d’intervenir afin de trouver un équilibre dans la typologie des commerces, explique Frédérique Lardet, 4e adjointe en charge de l’économie locale et du commerce de proximité. Il s’agit de préserver une offre commerciale et artisanale de proximité qui réponde aux besoins des habitants, y compris des populations les plus fragiles : personnes seules, âgées, non motorisées, etc... La préemption nous permet de garder un œil sur les ouvertures de commerces dans les rues historiques et commerçantes du cœur d’Annecy afin d’éviter l’installation massive de banques, d’assurances et surtout d’offres de restauration rapide, qui se sont multipliées ces derniers temps. Notre objectif est plutôt de privilégier les commerces de bouche et ceux qu’on appelle désormais les commerces non essentiels : magasins de vêtements, de chaussures, ou de bijoux… »

Maintenir un bar, agrandir le cabinet médical

« Ce droit de préemption existait déjà dans les communes de Cran-Gevrier, Meythet, Seynod et Annecy-le-vieux. Seules les communes historiques d’Annecy et Pringy n’en étaient pas dotées. Le dispositif a donc été retravaillé, par l’équipe municipale précédente, à l’échelle de la commune nouvelle en 2018, précise la cheffe de service à la Direction de la vie économique de proximité (DVEP), Alicia Dufournet. Jusque-là, l’outil n’avait été utilisé qu’une seule fois : la commune avait préempté un bar sur le quartier du vallon à Cran-Gevrier. Après publication d’un appel à candidature, procédure obligatoire pour permettre la rétrocession en cas de préemption commerciale, la commune a retenu la candidature d’un restaurateur déjà présent dans le quartier et qui souhaitait s’agrandir. L’ancien local libéré par ce restaurateur a permis l’agrandissement du cabinet médical. « Il s’agissait de restructurer l’offre du quartier et de maintenir une offre commerciale tout en conservant le cabinet médical », précise la cheffe de service.

Sauver les petits commerces « non essentiels »

Mais depuis la pandémie de Covid, la crise du commerce s’est accentuée, notamment pour les petits commerces « non essentiels ». « Si les restaurants ont résisté grâce aux aides de l’État, les petites boutiques de mode et d’accessoires sont en grande difficulté et certaines tentent de vendre leur fonds de commerce pour sauver les meubles, poursuit l’élue en charge du commerce. Ces surfaces de 40 à 50 m2 sont très prisées par des acquéreurs qui souhaitent créer de la restauration rapide. En ce moment, c’est la mode des corners cafés… qui se multiplient comme des petits pains, alors qu’il n’y a presque plus de bouchers ni de poissonniers en centre-ville… »

Un outil de veille plus que de coercition

La préemption reste néanmoins un outil quelque peu impopulaire aux yeux des acteurs économiques qui y voient de la « paperasse » en plus. Car le propriétaire d’un fonds de commerce ou d’un bail commercial qui souhaite vendre son bien, s’il est situé dans l’un des périmètres délimités, est tenu de déclarer cette vente au service urbanisme de la ville, et ceci avant la signature chez le notaire. À réception de cette déclaration, la Ville dispose d’un délai d’instruction de deux mois. Si la commune considère que la reprise proposée fragilise ou met en péril l’offre commerciale en place, elle peut exercer son droit de préemption, en indiquant avec précision le motif invoqué. Dès lors, la Ville va se substituer à l’acquéreur potentiel, sous réserve que les deux parties soient d’accord sur le prix.

Le portage du commerce a un coût

« Jusqu’à présent, nous ne sommes allés qu’une seule fois jusqu’au bout d’une telle procédure. Elle est utilisée au compte-goutte et en dernier ressort seulement, précise l’élue. Car la collectivité doit assurer le portage du commerce, ce qui a un coût. Mais depuis la crise sanitaire, nous l’avons actée deux fois, justement pour faire barrage à ces offres de restauration rapide. Une fois pour une bijouterie, une autre fois pour un magasin de chaussures pour éviter la recrudescence de la restauration rapide. Les commerces non essentiels ont beaucoup souffert ces derniers mois, et les clients ont pris de nouvelles habitudes d’achat avec Internet. Mais le commerce d’une ville, cela ne peut pas se résumer à des bars et des restaurants… »

(1) : La commune nouvelle d’Annecy a été créée le 1er janvier 2017, par la fusion de six communes : Annecy, Annecy-le-Vieux, Cran-Gevrier, Meythet, Pringy et Seynod

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