Après qu'ont été adoptées en séance à l'Assemblée nationale, en première lecture du projet de loi Climat, plusieurs dispositions relatives aux aires de stationnement, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire du Palais Bourbon avait confié à Lionel Causse (LaREM, Landes) une "mission flash" sur les enjeux environnementaux de l'aménagement des aires de stationnement, visant notamment à s'assurer du caractère "souhaitable, mais aussi techniquement et financièrement réalisable" des solutions introduites.
Le député landais, qui a été rapporteur des chapitres relatifs à la lutte contre l'artificialisation des sols et au trait de côte du Projet de loi Climat et Résilience, a présenté ce 30 juin ses conclusions, guère favorables au dispositif arrêté. "Nous nous frottons à la réalité", a concédé la députée Nathalies Sarles (LREM, Loire), à l'issue de l'audition de son collègue.
Des mesures déjà contestées au Sénat
Pour mémoire, sur amendement d'Émilie Chalas (LREM, Isère), et contre l'avis et du gouvernement, et du rapporteur (Lionel Causse lui-même), les députés ont introduit un article 52 bis disposant la réduction dans les dix ans de 50% de l’emprise au sol des constructions de parking par rapport à la décennie précédente, l'installation sur la même période d'ombrières pour la moitié des surfaces de parkings extérieurs existants et la végétalisation de l’ensemble des parkings d’ici 2025.
Le Sénat, en commission, a toutefois supprimé les deux dernières mesures, qualifiées de "symboliques mais irréalistes", "leur possibilité technique [étant] loin d’être assurée" et l'investissement requis étant "exorbitant, tant pour les communes que pour les acteurs du secteur commercial", selon Jean-Baptiste Blanc. Un investissement que Philippe Tabarot évalue à 13 milliards d’euros "pour le simple secteur de la distribution" (8 milliards pour la grande distribution selon Lionel Causse), le sénateur relevant par ailleurs que "l’installation d’ombrières peut ne pas être pertinente et contribuer, dans le cas d’installation en métal ou béton, au renforcement des îlots de chaleur". En revanche, la première mesure avait été conservée, au prix d'une modification de sa rédaction.
Réduction des surfaces : une équation pour l'heure insoluble
Au terme des travaux de Lionel Causse, il semble probable que la prochaine commission mixte paritaire puisse s'accorder… pour supprimer l'ensemble tel qu'il existe. Le député des Landes fait en effet d'emblée le constat de "l'impossibilité de quantifier le stock de parc existant." "Ni la surface des parkings, ni l'évolution de celle-ci depuis dix ans ne sont connues", met en exergue la synthèse du rapport, Lionel Causse concluant qu'il voit "mal, en conséquence, comment le législateur pourrait fixer une norme de réduction de 50% de l’emprise au sol des parkings en construction dans la prochaine décennie, ou des normes d’ombrage et de végétalisation sur des bases inconnues. Comment réduire des espaces dont on ne connaît ni la surface, ni l’évolution ? C’est rendre dès le départ la loi inapplicable par ceux qui auront la charge de l’appliquer".
En commission, le député a toutefois précisé que les nouvelles technologies (satellites notamment) permettent d'envisager de disposer de données précises dans les deux ans (avec un bémol pour les parkings souterrains ou en silos). Dans son rapport, il évoque en particulier l'outil "Occupation des sols à grande échelle" (Ogse) que devrait déployer prochainement l'IGN.
Les ombrières ou le dilemme de l'aménageur
S'agissant de l'installation des ombrières, Lionel Causse relève d'une part que si celles qui sont artificielles "présentent l'avantage de pouvoir accueillir des panneaux photovoltaïques", ce qui permettrait de compenser le coût de leur construction (150 euros/m2, sans lesdits panneaux), il constate lui-aussi qu'elles ne contribuent "pas à la réduction des îlots de chaleur car les structures métalliques concentrent et diffusent la chaleur accumulée". Et si l'ombrage végétal ne présente pas cet inconvénient – et procure même bien "d'autres services écosystémiques", pour un coût moitié moins important (70 euros/m2) –, il ne peut constituer une solution de court terme puisque "une quinzaine voire une vingtaine d’années de croissance de l’arbre sont nécessaires pour que sa canopée puisse diffuser efficacement de l’ombre". Sans compter "qu'il s'agit déjà d'un marché en tension, laissant présager des difficultés futures d'approvisionnement". "Dans les deux cas, il y a réduction des places de parkings disponibles", relève-t-il.
Végétalisation au long cours
S'agissant de la végétalisation, le député est convaincu de ses bienfaits d'une part, de son caractère moins onéreux que les méthodes classiques et du fait que "les solutions à mettre en œuvre ne sont pas plus complexes que les solutions traditionnelles" d'autre part. Il prend néanmoins le soin de souligner "qu’il ne s’agit pas simplement de poser de la terre et de planter des végétaux, mais de concevoir différemment les parkings, dans le cadre d’une stratégie plus large de transformation de nos espaces urbains".
Surtout, il pointe le fait qu'"obliger à rénover à court terme des aires de stationnement sans tenir compte de la durée technique de vie des parkings et de l'existence de concessions pour leur gestion imposerait la réalisation de travaux représentant plusieurs milliards d’euros aux propriétaires de ces aires, auxquels cette charge incomberait, et les placerait financièrement et juridiquement dans des situations difficiles".
Il préconise en conséquence de réécrire les dispositions afin que les règles de végétalisation, d'ombrage et de perméabilité des sols s'appliquent aux constructions nouvelles de parking, à toute rénovation d'ampleur d'un parking existant d'autre part (le député relevant que la durée de vie moyenne des aires stationnement oscille entre dix et vingt ans) et, pour les aires de stationnement gérées en concession, lors du renouvellement de ces dernières, qu'il y ait ou non changement de concessionnaire. Un dispositif qui permettrait ainsi de "rénover la plus large partie de la surface de parkings sur le territoire français en 20 ans, en laissant à l’ensemble des opérateurs, propriétaires, concessionnaires, bureaux d’études, paysagistes, entreprises réalisant ces travaux le temps de se préparer à cette législation".
Harmonisation oui, égalité non
Déplorant par ailleurs que "tous les acteurs, propriétaires ou exploitants, ne so[ie]nt pas concernés à l’identique par [les] exigences" en vigueur, "leur nature commerciale ou non, privée ou publique, influ[ant] largement sur les exigences minimales applicables", l'élu plaide en outre pour "un alignement des règles générales", la végétalisation des aires de stationnement étant "un objectif de politique publique".
Pour autant, en conclusion de son audition, si Lionel Causse a plaidé "pour que la loi fixe des objectifs", il a invité ses collègues à "se garder de la tentation égalitaire", afin de laisser aux acteurs locaux la faculté de s'adapter à leurs contraintes.
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