Si l’Etat, les collectivités comme les opérateurs peuvent se féliciter collectivement des avancées de l’aménagement numérique, du chemin reste à faire pour transformer les réseaux télécoms en un service "essentiel" aussi fiable et robuste que l’eau ou l’électricité. "Nous avons terminé le gros œuvre, il faut maintenant s’atteler aux finitions", a résumé le secrétaire d’Etat aux communications électroniques, Cédric O, à l’occasion de la matinée "territoires connectés" organisée par l’Arcep le 8 avril 2021.
Des chiffres qui doivent bouger d’ici cet été
En ligne de mire, le fameux mode Stoc tout d’abord (lire notre article du 4 mars 2021). "Je vois des choses bouger avec un nouveau contrat ou encore l’intervention des opérateurs d’infrastructures sur les raccordements. Il faut maintenant que les chiffres bougent d’ici l’été", a affirmé le secrétaire d’Etat. Une allusion au contrat Stoc V2 dont David El Fassy, président d’Altitude Infrastructure et vice-président d’Infranum, a assuré qu’il avait été adopté par "l’ensemble des opérateurs commerciaux". Le protocole prévoit notamment des photos pour assurer le suivi des travaux et éviter ainsi un renvoi de responsabilité entre opérateurs d’infrastructures (OI), opérateurs commerciaux (OC) et sous-traitants. Le contrat intègre aussi la possibilité d’exclure les sous-traitants ne réalisant pas les raccordements dans les règles de l’art. Toute la difficulté sera cependant de trouver suffisamment de main d’œuvre pour ce chantier. Car une des conséquences les plus tangibles de la pandémie est l’accélération des demandes de raccordement à la fibre avec "près de 200 raccordements par heure", selon Altitude infrastructure.
La solution du pré-raccordement ?
Une pression sur les opérateurs qui pousse l’Useda, en charge du déploiement du réseau d'initiative publique de l’Aisne, à réaliser elle-même un pré-raccordement des logements. "Ce mode opératoire nous permet d’atteindre un taux d’abonnement de 70% contre 50% là où il est réalisé par les opérateurs commerciaux", a souligné Thomas Dudebout, vice-président du Conseil départemental de l’Aisne. Cette répartition des rôles a aussi le mérite d’éviter de ternir l’image des collectivités déployant des réseaux même si elle ne règle pas l’ensemble des questions. Car dans l’Aisne comme dans la plupart des départements, restent des problèmes d’armoires mal câblées et un taux d’échec de raccordement de l’ordre de 20%. Nicolas Guérin, au titre de sa fonction de président de la Fédération Française des Télécoms, a estimé pour sa part que le sujet tenait d’une "responsabilité collective", les chiffres montrant selon lui que les choses s’améliorent.
Un plan d'urgence sur le cuivre
A moyen terme, la mauvaise réputation de la fibre pourrait peser sur la migration de l’ensemble des abonnés vers la fibre. Car comme le montre l’expérimentation de dépose totale du cuivre menée par Orange sur la commune de Levis Saint-Nom (78) en 2020, sur les 116 clients que compte la commune, les difficultés se sont concentrées sur les 12 derniers clients. Ce chantier va du reste prendre de l’ampleur en 2021 avec le lancement de quatre nouvelles expérimentations de dépose dans des zones fibrées et un objectif de 10 millions de lignes (dans des immeubles) fermées à la commercialisation d’ici la fin de l’année. Si le chantier va de pair avec la montée en puissance de la fibre, il inquiète aussi les élus des territoires encore totalement dépendants du cuivre. La députée de la Drôme Célia de Lavergne, à l’initiative d’un rapport sur ce sujet (notre article) a déploré une "situation insupportable" pour de nombreux hameaux créant un "sentiment d’abandon" chez les élus ruraux concernés. Nicolas Guérin, sous sa casquette de secrétaire général d’Orange, a annoncé que l’opérateur proposerait "dans les prochains jours un plan cuivre entièrement autofinancé". Une décision saluée par la présidente de l’Arcep Laure de La Raudière qui a appelé à ce que le chantier du cuivre soit géré en coordination avec les collectivités qui sont là comme sur de nombreux dossiers télécoms "autour de la solution".
Couverture ciblée à la peine
Sur la téléphonie mobile, si les objectifs en matière de couverture 4G ont été dépassés avec un taux d’équipement des antennes proche de 100%, la couverture "ciblée" reste à la peine. 763 sites ont en effet été ouverts commercialement, bien loin des 2.600 sites ayant fait l’objet d’un arrêté (chiffre qui devrait dépasser 3.000 avec l’arrêté à paraitre). La concertation locale autour des "équipes projets" semble ne pas fonctionner partout correctement. Si dans les Bouches-du-Rhône, elle est efficace avec un département qui se fait l’intermédiaire entre les maires et les opérateurs, cela semble plus difficile en Haute-Saône où il n’y a pas d’accord sur le constat de départ. "Nous avons réalisé 27 millions de mesures de couverture et identifié 30 sites à couvrir. Avec la dotation qui nous a été attribuée il faudra six ou sept années pour les couvrir", a fulminé Yves Krattinger, président du Conseil départemental de la Haute-Saône dont le protocole de mesure ne correspond pas à celui de l’Arcep. Face aux maires demandant une connectivité puis reculant face à la levée de bouclier de leurs habitants quand on parle de pylône, les élus départementaux sont ensuite souvent désemparés. Il est vrai que les polémiques autour de la 5G ne leur facilitent pas les choses. Les élus ont du reste demandé à disposer de davantage d’outils pédagogiques, pour rassurer sur le volet santé comme sur les bénéfices de la 5G en termes d’usages et de services.
Une mutualisation à réglementer
La mutualisation des sites constitue une autre piste pour accélérer la couverture. Maxime Lombardini, vice-président d’Iliad/Free en a vanté les vertus environnementales et économiques. Mais il est vrai que l’opérateur dispose de moins de points hauts que ses concurrents... Bouygues Telecom y est beaucoup plus réticent en dehors des zones blanches où "elle s’impose d’elle-même". Pour Liza Bellulo, secrétaire générale de Bouygues Telecom "la mutualisation en zone grise doit être examinée au cas par cas car un site mobile c’est un peu comme un nid, il faut qu’il soit suffisamment grand pour accueillir tous les œufs et que la branche soit suffisamment solide". Ajoutant que la multiplication des antennes pouvait conduire à renforcer l’exposition du public aux ondes, elle a estimé qu’en zone dense "c’était compliqué". En clair, les grandes villes souhaitant limiter le nombre d’antennes mobiles non mutualisées auront bien du mal à se faire entendre, sauf si la réglementation évolue.
C’est du reste bien sur ce rôle de vigie et d’anticipation que l’Arcep est attendue par les élus locaux. Interrogé par la nouvelle présidente de l’Arcep sur les attentes de l'Avicca en matière de régulation, Patrick Chaize, sénateur et président de l’association, a plaidé pour 'une Arcep forte, à l’écoute des acteurs de terrain, y compris des collectivités".
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