La mise en place de la banque publique d'investissement a été un "succès" et a engendré un "réel dynamisme", juge la Cour des comptes dans un rapport du 16 novembre.
Née de la fusion entre Oséo, CDC Entreprises, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) et FSI régions en 2012, pour faire face au risque d'assèchement du crédit et offrir un point d'entrée unique aux entreprises, la banque a donné naissance "à un groupe aux capacités d'actions démultipliées". Intervenant sous forme de prêts ou en investissements en fonds propres, elle a ainsi soutenu quelque 71.200 entreprises en 2015 pour un montant total de 18,8 milliards d'euros.
Généralement plus avares de compliments, les magistrats de la rue Cambon se félicitent aussi que le débat sur la place des régions dans la gouvernance de la banque se soit "pacifié".
En 2012, l'ARF (Association des régions de France) avait milité pour la création d'un réseau de banques publiques régionales avec une participation des régions dans le capital et la gouvernance, afin de coller au mieux avec les besoins locaux. Ce modèle, jugé complexe et prêtant le flanc aux critiques de clientélisme, avait été rejeté. Finalement, les régions ont obtenu d'être représentées au conseil d'administration de la banque, de participer au Conseil national d'orientation (CNO) et aux conseils régionaux d'orientation (CRO). En réalité, le poids des régions au sein du conseil d'administration est modeste, les décisions étant prises par les deux actionnaires, l'Etat et la Caisse des Dépôts. Quant au CNO, il s'agit plutôt d'un "forum d'échanges", constate la Cour. En revanche, les CRO, ont su montrer leur "utilité", même si leur efficacité est variable d'une région à l'autre. En définitive, le pragmatisme semble avoir prévalu et les relations entre la banque et les régions se sont "apaisées". Bpifrance est devenue un "partenaire financier" des exécutifs régionaux au plan local.
Un modèle "fragile"
Malgré ces acquis importants, la Cour invite Bpifrance à clarifier son positionnement stratégique, voire même à lever le pied car son modèle économique reste "fragile". La création de Bpifrance a permis une montée en puissance rapide des crédits aux entreprises sans garantie (pour le financement d'actifs immatériels, de fonds de roulement, le préfinancement du CICE…), notamment par rapport à Oséo. Mais elle ne doit pas pour autant prendre "des risques inconsidérés, qui se traduiraient inévitablement par des coûts pour le contribuable".
Par ailleurs, l'augmentation rapide des interventions en fonds propres à destination des PME conduit à un risque de "surabondance" des fonds publics, avec effets d'éviction des fonds privés. L'augmentation de ses interventions en investissements directs est elle aussi porteuse de risques, jugent encore les magistrats, qui préconisent de recourir davantage aux interventions indirectes sous forme de fonds de fonds. Par ailleurs, Bpifrance a fait évoluer ses interventions au profit d'ETI (entreprises de taille intermédiaire) de croissance, mais sans forcément qu'elles aient un intérêt stratégique particulier, comme le dictait sa doctrine de départ héritée du FSI (Fonds stratégique d'investissement). Le montant du portefeuille de participations de la banque dans les moyennes et grosses capitalisations (soit 12,5 milliards d'euros fin 2015), paraît élevé aux juges, par rapport aux investissements dans les ETI de croissance. La Cour invite l'Etat et la Caisse des Dépôts à clarifier ce qu'ils souhaitent faire de ces participations.
Si les résultats du groupe sont positifs, ils tiennent en grande partie à l'apport des financements de l'Etat. Or, les comptes font apparaître un besoin de financement non résolu de 2,4 milliards d'euros entre 2017 et 2019, dont 607 millions d'euros pour les fonds de garantie. Dans ce contexte, la Cour dénonce l'augmentation des charges d'exploitation du groupe. Les frais de personnel, qui représentent la moitié de ces charges, ont ainsi augmenté de 25% entre 2013 et 2015. Ce qui s'explique par les recrutements nécessaires, mais aussi par les revalorisations rapides des salaires de certains cadres dirigeants. La Cour demande aux actionnaires d'exercer "une vigilance forte".
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