Pas de mesures concrètes mais une multitude de négociations à mener dès la rentrée 2012. C'est l'aboutissement de la grande conférence sociale qui s'est déroulée les 9 et 10 juillet 2012 à Paris. A l'issue de ces deux jours de réunions, organisés en sept tables rondes (emploi, formation, salaires, égalité professionnelle, redressement productif, retraites et action publique), Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, a communiqué la feuille de route sociale du gouvernement, qui décrit les actions à mener dans les mois qui viennent. "Nous venons de vivre un authentique moment de démocratie sociale. Le dialogue social sera la marque de fabrique de mon gouvernement", s'est félicité le Premier ministre dans son discours, estimant que "les réformes structurelles ne peuvent être menées à la hussarde". D'où une feuille de route étalée sur un an et demi, intégrant une multitude de négociations à mener sur les différentes thématiques abordées.
Les syndicats se sont montrés plutôt satisfaits en sortant du palais d'Iéna. "Le résultat n'est pas obligatoirement satisfaisant sur tous les sujets. Cependant l'essentiel y est", a ainsi affirmé François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, s'est lui aussi dit "satisfait du dialogue social apaisé", tandis que Bernard Thibault, leur homologue à la CGT, a salué le "cap nouveau" donné par le gouvernement, avec un "volontarisme politique à l'égard des organisations de salariés sans comparaison avec ce que nous avons vécu ces cinq dernières années". Le ton était tout autre du côté du patronat. La présidente du Medef, Laurence Parisot, a salué la méthode mais aussi affiché sa "déception" à la lecture de la feuille de route qui, selon elle, "ne tient pas compte du tout des réalités économiques que vivent les entreprises".
Les régions, qui ont activement participé à la conférence, avec douze représentants répartis sur quatre tables rondes (emploi, formation, redressement productif et fonction publique), se sont félicitées quant à elles que la conférence ait reconnu la pertinence de leur action sur tous les sujets. "Dans les quatre tables rondes où les régions étaient représentées, les participants ont tous reconnu la légitimité et la pertinence de l'action régionale, signale l'Association des régions de France, dans un communiqué du 11 juillet. Dans le cadre du nouvel acte de décentralisation, les régions peuvent être le creuset d'un dialogue social et territorial renouvelé et renforcé."

Un programme chargé

D'après la feuille de route présentée par Jean-Marc Ayrault, le programme des négociations est chargé. Premier chantier, et non des moindres : l'emploi. Le gouvernement souhaite mener une consultation dès l'été 2012 avec les partenaires sociaux et les acteurs territoriaux sur la mise en œuvre des 150.000 emplois d'avenir prévus, avant le projet de loi qui sera présenté en septembre. Le contrat de génération, qui était une promesse de campagne de François Hollande, fera lui aussi l'objet d'une négociation, conduite d'ici à la fin 2012. La négociation permettra notamment d'établir ses modalités (gestion des âges dans l'entreprise, mise en œuvre du transfert des compétences, adaptation du dispositif aux différentes tailles d'entreprises…). Suivra un projet de loi instituant le nouveau contrat. Le thème de la sécurisation de l'emploi, avec notamment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et l'accompagnement des mutations économiques, fera aussi l'objet d'une négociation menée par les partenaires sociaux au niveau national interprofessionnel. Cette négociation sera conduite d'ici à la fin du premier trimestre 2013 à partir d'un document d'orientation qui sera transmis en septembre 2012. Dans ce cadre, le chômage partiel va aussi faire l'objet d'une évaluation dès la rentrée 2012 car le gouvernement souhaite améliorer le dispositif pour lutter contre la précarité de l'emploi et trouver des moyens d'accompagner les mutations économiques.
Les régions souhaitent participer activement à ces chantiers. Elles ont notamment exprimé leur volonté de travailler de concert avec l'Etat et les partenaires sociaux à une mobilisation des aides publiques vers les entreprises manifestant leur engagement en faveur de l'emploi des jeunes et des seniors.
L'Association des maires de France (AMF) a également tenu à faire valoir le rôle clé des communes et intercommunalités dans le service public de l'emploi à travers les missions locales et les maisons de l'emploi (deux dispositifs qu'elle demande de pérenniser), et en direction des plus précaires avec les clauses d'insertion. S'agissant des nouveaux contrats proposés, l'association pose deux conditions : qu'ils soient suffisamment longs "pour permettre une véritable expérience professionnelle" et qu'ils donnent "un accès facilité aux diverses formations". "Cet engagement justifie que les communes et les communautés, au sein des bassins d'emploi, soient reconnues comme des acteurs à part entière de l'élaboration et de la conduite des politiques territoriales de l'emploi", souligne l'AMF.

Plus de ponction pour le FPSPP

Le deuxième chantier concerne la formation tout au long de la vie et le développement des compétences. Sur ce point, Jean-Marc Ayrault a été assez clair. "Il n'est pas nécessaire d'élaborer une nouvelle grande réforme de la formation professionnelle", a-t-il ainsi affirmé dans son discours de clôture, estimant qu'il valait mieux construire des actions concrètes avec les régions. Un plan d'urgence va être élaboré avec l'Etat, les partenaires sociaux et les régions autour de  trois volets : diminuer le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail sans qualification, accompagner les salariés pour les former plutôt que les licencier, et améliorer l'accès des demandeurs d'emploi à la formation. Côté jeunes, un bilan des démarches engagées auparavant sur l'alternance et l'orientation va être réalisé en septembre pour déterminer les finalités et les modalités de mise en œuvre du service public de l'orientation au sein des territoires. Une réflexion destinée à concrétiser le "droit à la formation initiale différée" est également prévue. Concernant les demandeurs d'emploi, Jean-Marc Ayrault a donné des garanties aux partenaires sociaux sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Celui-ci a fait l'objet de deux ponctions en 2011 et 2012 de 300 millions d'euros de la part de l'Etat. Le Premier ministre l'a promis, le fonds ne sera plus ponctionné par l'Etat. "C'est une excellente nouvelle qui devrait permettre au fonds de se mettre en ordre de marche", signale à Localtis Djamal Teskouk, vice-président du FPSPP. En revanche, le souhait des régions de pouvoir créer des fonds régionaux de sécurisation des parcours professionnels ne semble pas pouvoir devenir réalité, les partenaires sociaux étant très opposés à ce système. Les régions pourraient tout au moins contractualiser avec le FPSPP dans le cadre d'objectifs particuliers, comme le prévoit l'Accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 relatif à l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie professionnelle. Pour le moment, le FPSPP ne contractualise qu'avec des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) à travers des appels à projets. La contractualisation directe avec les régions serait une avancée. Elle ne se ferait pas obligatoirement par appel à projets. "On ne peut que saluer cette orientation", estime Djamal Teskouk.

L'avenir de l'Afpa en question

Autre garantie donnée par Jean-Marc Ayrault : "L'Etat mettra tout en œuvre pour assurer l'avenir de l'Afpa [Association nationale pour la formation professionnelle des adultes]." L'Afpa fait l'objet d'une crise financière depuis qu'elle doit se plier aux appels d'offres, en lieu et place de subventions directes données par l'Etat. L'organisation d'une réunion exceptionnelle à la fin de la deuxième journée de la conférence sociale proposée par Thierry Repentin, le ministre délégué à la Formation professionnelle, a montré l'intérêt porté par l'Etat à l'association. Dans le domaine de la formation, l'Etat compte aussi avancer sur le chantier du compte individuel de formation (CIF). Un travail de réflexion, confié au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) est prévu, qui doit être finalisé au premier trimestre 2013. Enfin, le gouvernement s'engage à assurer la cohérence entre l'évolution envisagée des dispositifs de formation et la nouvelle étape de décentralisation qui se prépare. Il invite les partenaires sociaux à la préparation de ce nouvel acte de décentralisation à l'automne 2012, notamment sur le volet formation et prévoit un "exercice de simplification de la gouvernance régionale au profit du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP)".

Louis Gallois chargé de la compétitivité

Concernant le redressement productif, le gouvernement a également lancé des chantiers, comme la réaffirmation du rôle de la Conférence nationale de l'industrie (CNI) devant laquelle le ministre du Redressement productif et le Premier ministre devaient s'exprimer, mercredi 11 juillet. L'optimisation du crédit impôt recherche et une meilleure coordination de la Banque publique d'investissement sont également au programme. Il a aussi confié une mission à Louis Gallois, ex-dirigeant de la SNCF et d'EADS, sur la compétitivité des entreprises. Le nouveau commissaire général à l'investissement devra présenter son rapport devant la CNI avant la fin du mois d'octobre 2012. Le rôle des régions a aussi été confirmé en matière de redressement productif. "Dans le cadre d'un acte III de la décentralisation, les régions joueront un rôle pivot dans la définition et la mise en œuvre territorialisée des actions de redressement productif, l'Etat assurant la cohérence nécessaire et fixant des impulsions, comme il le fait pour les grandes filières", précise ainsi la feuille de route sociale.
Les pôles de compétitivité mis en place en 2005 sont considérés comme un "atout majeur pour le tissu industriel français qu'il faut poursuivre activement en lien avec les régions". Ils feront l'objet d'une réflexion au cours du second semestre 2012. Enfin, en matière de financement des entreprises, le gouvernement souhaite mettre de l'ordre pour rendre les dispositifs de financement public existants mieux coordonnés, plus simples et plus efficaces. C'est la banque publique d'investissement qui doit notamment répondre à ce défi.

Un bilan dans un an

La table ronde sur la modernisation de l'action publique a elle aussi donné lieu à des chantiers à lancer (voir encadré ci-dessous). Le gouvernement souhaite créer un espace de concertation sur l'ensemble du territoire pour évaluer le bilan de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). "Dans ce cadre, seront également discutés les travaux à engager sur les missions des services publics, leur organisation territoriale (accessibilité, égalité entre les territoires, déconcentration, adéquation des effectifs et des qualifications aux missions du service public) et les perspectives d'une nouvelle étape de décentralisation", explique la feuille de route. Une série de concertations est également prévue à l'automne 2012 sur les évaluations de carrières et les rémunérations des agents, et sur l'égalité femmes-hommes (quatrième trimestre 2012). Les régions se sont félicitées que "désormais la fonction publique soit considérée comme une chance et non un poids pour le redressement de la France".
La conférence sociale a aussi abordé les thèmes de l'économie sociale et solidaire, des salaires, prévoyant une réforme de la revalorisation du Smic, des retraites, avec une réforme législative du financement de la protection sociale en vue en 2013 après concertation, et de l'égalité femmes-hommes, avec des plans d'actions régionaux à définir d'ici fin 2012.
L'opposition a largement critiqué la tenue de cette conférence. "Je suis inquiet. Cette conférence, c'est du cinéma", a ainsi réagi Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP, tandis que l'ancien Premier ministre François Fillon s'étonnait le premier jour de la conférence qu'"on nous annonce des réformes mais pas avant un an alors qu'il y a urgence". 
Le gouvernement prévoit l'ensemble de ces négociations et de ces chantiers. Il s'est engagé à faire un bilan global de la mise en œuvre de cette première feuille de route dans un an, pour actualiser une nouvelle feuille de route jusqu'à 2014.

Emilie Zapalski

Fonction publique : concertations tous azimuts durant l'automne

La page de la RGPP est tournée. Mais la modernisation de l'action publique va continuer. Dès l'automne, le gouvernement proposera un "espace de concertation" qui abordera les orientations de la politique de modernisation, "les travaux à engager sur les missions des services publics et leur organisation territoriale" et "les perspectives d'une nouvelle étape de la décentralisation". Toujours à l'automne, le gouvernement ouvrira le chantier des carrières et des parcours professionnels des agents publics, qui sera l'occasion de mettre sur la table les questions de rémunération, de mobilité, de formation, d'action sociale, ou encore de protection sociale complémentaire. La concertation sur ce chantier devra notamment "permettre de poser les bases d'une méthode de travail, autorisant, dans un contexte financier durablement contraint, une politique de rémunération préservant les perspectives de carrière des agents publics, garantissant une plus grande équité entre les ministères et entre les trois versants de la fonction publique et accordant une priorité à la situation des agents de la catégorie C", indique la feuille de route définie lors de la grande conférence sociale. En fonction des résultats de ces travaux, une "négociation de méthode", identifiant des axes de travail sur une période pluriannuelle, pourrait s'ouvrir début 2013.
A côté de ces deux chantiers phares, le gouvernement va lancer des concertations sur toute une série de sujets. Parfois, il s'agira de poursuivre les travaux déjà engagés par les gouvernements de droite, comme sur les moyens syndicaux, la santé et la sécurité au travail, l'amélioration des conditions d'emploi et des parcours professionnels des non-titulaires, ou encore l'égalité professionnelle. Sur ce dernier thème, on notera que le gouvernement souhaite parvenir à un accord avec les syndicats. L'exécutif annonce par ailleurs son intention de proposer un autre accord, sur la prévention des risques professionnels. Autre sujet proposé à la concertation : l'exemplarité des employeurs publics dans la gestion des ressources humaines. Enfin, les partenaires sociaux doivent être "consultés" sur les principes du service public et la déontologie de ses agents avant le dépôt, "si nécessaire", d'un projet de loi sur ce thème en 2013.
Les réunions de concertation débuteront à la rentrée, ou durant l'automne.
T.B. / Projets publics
 

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