Dans le cadre du Congrès des maires organisé par l’Association des maires de France (AMF), un forum a eu lieu le 17 novembre 2021 autour de l’invitation à "Renouveler les solidarités en faveur des plus vulnérables et des jeunes". La crise sanitaire et ses conséquences sociales ont été au cœur des échanges, avec des retours d’expériences de maires et de dirigeants associatifs sur les réponses et adaptations apportées en matière d’aide alimentaire (voir notre article du 18 mars 2020 "Rester solidaire à l’heure du confinement : communes, associations et citoyens s’organisent").
Les associations comme les communes et leurs centres communaux d’action sociale (CCAS) ont observé un fort accroissement de l’activité de l’aide alimentaire depuis le début de la crise. "Je ne connais pas un maire qui n’ait pas augmenté le budget du CCAS sur ces questions, de + 10% à + 50%", témoigne ainsi Luc Carvounas, président de l’Union nationale des CCAS (Unccas) et maire d’Alfortville. Président des Restos du cœur, Patrice Douret a constaté à la fois un élargissement des publics bénéficiaires et "une aggravation des personnes que nous connaissions déjà avant". La moitié des personnes accueillies par l’association en 2020 ont déclaré avoir perdu des ressources financières pendant cette année de crise. Un public fait l’objet d’une préoccupation particulière : les enfants et les jeunes (50% des 1,2 million de personnes accueillies ont moins de 25 ans, dont 40% de mineurs, dont 59.000 bébés de moins de 18 mois).

Les politiques sociales doivent descendre du département vers le bloc communal

Face à cette pression croissante des besoins liés à la précarité et à la pauvreté, "l’AMF a dénoncé une nouvelle fois le manque de moyens alloués aux collectivités territoriales", rapporte Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) et co-présidente du groupe de travail "emploi et insertion" de l’AMF. "Il faut que l’État soit présent, qu’il reconnaisse les CCAS" poursuit le président de l’Unccas. Pour ce dernier, il y a également un enjeu de gouvernance : "Les questions de politiques sociales et de solidarité doivent descendre du département vers le bloc communal." Le département doit selon lui rester "le guichet d’accès au droit", mais le suivi des personnes a vocation de son point de vue à être piloté par les CCAS et les CIAS (centres intercommunaux d’action sociale). Luc Carnouvas a ainsi fait valoir le fait que le maire, président du CCAS, et son équipe coordonnent l’ensemble du réseau de solidarité – associations, banques alimentaires, épiceries sociales…
Les échanges ont également permis d’illustrer le fait que l’aide alimentaire était devenue, au fil des années, une politique plus globale de la commune. Ainsi, à Montceau-les-Mines, l’épicerie sociale s’inscrit désormais dans le "service d’action sociale des familles", avec une prise en compte globale des familles et d’enjeux éducatifs tels que le "bien manger". "Cela requiert des formations complémentaires sur l’éducation à l’alimentation, pour nos agents recrutés initialement pour de la distribution alimentaire", souligne Marie-Claude Jarrot. Elle ajoute que sa commune a "besoin d’agents pour accompagner le projet alimentaire territorial" (PAT).
"Quand on parle d’alimentation, on tire le fil d’autres politiques : la santé, notamment la santé mentale, la lutte contre l’isolement", confirme le maire d’Alfortville. Et, face à l’évolution des publics en difficulté et notamment de leur rajeunissement, le président de l’Unccas appelle à une modernisation des CCAS ; un questionnaire sera prochainement envoyé aux maires de France sur le sujet.

7.000 jeunes volontaires du service civique dans les collectivités

La deuxième partie du forum a été consacrée à mettre en avant des réponses solidaires diverses auxquelles les jeunes ont accès. C’est le cas des projets des dix premiers territoires zéro chômeur de longue durée, puisque sur 1.100 personnes embauchées, 25% ont moins de trente ans.
Déployé depuis 2010, le service civique a de son côté concerné 545.000 jeunes, engagés volontairement dans des associations, des administrations de l’État et des collectivités. Alors que les objectifs de développement du service civique sont ambitieux, l’Agence du service civique cherche à accroître l’offre de missions dans les collectivités, qui n’accueillent actuellement que 7.000 jeunes. "On peut accueillir soit avec un agrément direct, soit via des associations qui prennent en charge la dimension administrative", rappelle Béatrice Angrand, présidente de l’Agence du service civique. Un élu d’une commune bretonne de 3.000 habitants a témoigné du fait que, via d’autres organismes ayant l’agrément, la commune a pu facilement accueillir un volontaire en service civique qui, accompagné par un animateur jeunesse, a participé au recensement des besoins des services en matière de service civique.

Le choix de l’exemplarité 

Cet élu a appelé à "communiquer sur toutes les opportunités offertes à la jeunesse", y compris le contexte actuellement très favorable du marché de l’emploi, afin de "lutter contre les exemples négatifs" tels que les "dealers de 15 ans" gagnant beaucoup d’argent. "Les revenus de la drogue aujourd’hui, y compris dans les territoires ruraux tels que ma toute petite commune de Bretagne, sont extrêmement dévastateurs et déconstruisent une partie de notre politique sociale et de notre politique vis-à-vis de la jeunesse", a-t-il témoigné.
Il a ensuite été question de l’insertion par le sport, du développement d’écoles de l’inclusion par le sport et d’un centre national de formation à l’éducation par le sport à Garges-Lès-Gonesse (Val-d’Oise) (voir nos articles de mai 2021 et octobre 2021). Un programme qui permet de "canaliser" l’énergie des jeunes, de les remettre dans des trajectoires positives et de leur offrir des récits positifs, selon Ryadh Sallem, dirigeant associatif, sportif de haut niveau (équipe de France de rugby fauteuil) et membre du conseil d’administration de Paris 2024.
Enfin, à l’heure où le gouvernement prépare son futur contrat d’engagement jeune, en lieu et place de la garantie jeunes (voir notre article du 2 novembre 2021), Thierry Falconnet, maire de Chenôve (Côte-d’Or) et président de Ville & Banlieue, a expliqué comment un revenu minimum étudiant avait été mis en place dans sa commune dès 1989. Il s’agit en fait d’une "allocation différentielle de la bourse d’État pour les jeunes issus des familles défavorisées", afin d’éviter que certains jeunes ne soient contraints d’arrêter leurs études pour des raisons financières. Cet engagement de la commune (environ 90.000 euros par an, pour une centaine d’allocataires) est là encore, selon Thierry Falconnet, "le choix de l’exemplarité", d’anciens bénéficiaires – tels qu’une avocate d’affaires travaillant à Los Angeles – revenant témoigner, auprès des jeunes de la commune, des effets de ce coup de pouce dans leur parcours.

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