Le paysage de l'emploi aidé s'apprête à connaître quelques changements. Il en a évidemment été question lors de la Conférence sociale des 9 et 10 juillet et le ministre du Travail, Michel Sapin, a évoqué le sujet à plusieurs reprises depuis sa nomination. Mais à nouveau paysage, nouveaux outils et nouveaux intitulés… qu'il vaut mieux avoir d'emblée bien identifiés. Car il a, au cours des dernières semaines, été question de plusieurs choses différentes. Tout d'abord, des contrats aidés existants (autrement dit du contrat unique d'insertion, que ce soit dans sa version CUI-CAE ou CUI-CIE). Ensuite, des "emplois d'avenir" (à ne pas confondre avec les anciens "contrats d'avenir", remplacés par les contrats CUI-CAE). Enfin, des fameux contrats de génération.
S'agissant des premiers, on le sait, Michel Sapin a décidé de mobiliser dès à présent 80.000 contrats aidés supplémentaires (dont 60.000 CUI-CAE destinés au secteur non-marchand), en sus des 115.000 déjà programmés pour le deuxième semestre 2012. Et un niveau comparable devrait être maintenu en 2013. Dans un courrier adressé à ce sujet à la mi-juin aux préfets de région (voir ci-contre notre article du 14 juin), le ministre a en outre insisté sur la nécessité d'assurer une durée correcte à ces contrats : leur durée moyenne devra être d'au moins 6 mois, si possible de 9 mois.
Du côté des emplois d'avenir, là aussi, des chiffres sont annoncés : l'ambition est d'en lancer 150.000, dont 100.000 en 2013. Mais pour l'heure, seuls les contours de ces nouveaux emplois ont été esquissés : leur objectif est de "favoriser l’insertion professionnelle des jeunes faiblement qualifiés" ou qui ont carrément "quitté le système scolaire sans qualification", notamment ceux des quartiers défavorisés. "Les emplois d'avenir devront offrir des solutions pour ces jeunes, avec une vraie durée - plusieurs années - pour s'insérer réellement dans un emploi et trouver par ce moyen la qualification qui leur manque pour une vie professionnelle", avait précisé Michel Sapin début juillet devant des cadres de Pôle emploi. On en saura plus à l'issue de la phase de "consultation des partenaires sociaux et des acteurs territoriaux" qui doit avoir lieu cet été en vue d'un projet de loi en septembre (car ce nouveau dispositif exigera bien des dispositions législatives). Car les principales questions n'ont pas encore de réponse tout à fait arrêtées. Qui seront précisément les jeunes concernés ? A quel type d'employeurs ces emplois d'avenir seront-ils réservés ? Et pour quel type d'emplois ? Certains secteurs seront-ils privilégiés ?

Quelle "cohabitation" et articulation pour les différents dispositifs ?

Ces emplois d'avenir font forcément penser aux emplois-jeunes de l'ère Aubry. Mais on ne devrait en principe pas y retrouver de jeunes diplômés bac+2 voire bac+5 comme ce fut le cas de 1997 à 2002. Sera-t-on plus proche du modèle "CAE-passerelle" lancé en 2009 par Laurent Wauquiez, alors secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, à l'attention des 16-25 ans ? Ou bien des emplois-tremplins mis en place par les conseils régionaux ? Et quid d'une articulation avec les contrats d'autonomie lancés par Fadela Amara, certes jugés peu concluants, ou avec le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) ?
"A priori, les emplois d'avenir concerneront surtout les jeunes devant acquérir un premier niveau d'employabilité. Et seront limités au secteur non-marchand. Mais tout n'est pas encore arbitré. L'économie sociale et solidaire, notamment, sera-t-elle concernée ?", relève Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), qui rencontrait Michel Sapin le 11 juillet dernier, au lendemain de la Conférence sociale, avec d'autres présidents de conseils généraux. Des précisions sur le financement de ces emplois (qui va payer quoi ?) restent également attendues. Pour Claudy Lebreton, la question de la future "cohabitation" de CAE et d'emplois d'avenir chez un même employeur public ou associatif mérite également d'être posée, même si les publics différeront. Et s'agissant des dispositifs centrés sur les jeunes, il sera important de "combiner" au mieux les différentes briques susceptibles de faire partie d'un parcours d'insertion, y compris du côté des contrats d'apprentissage et autres formations en alternance, sans oublier le service civique (d'autant plus que le gouvernement a fait part de son intention de développer ce dispositif).

Prendre en compte la "spécificité de chaque territoire"

Qu'il s'agisse des emplois d'avenir ou des contrats aidés "traditionnels", les départements sont naturellement concernés de très près par ces sujets – et ce, à plusieurs titres. A la fois en tant qu'acteurs clefs de l'insertion - laquelle, rappelle l'ADF, "constitue l'une de leurs compétences majeures" –, en tant que cofinanceurs et en tant qu'employeurs ou partenaires très proches des employeurs associatifs (y compris, par exemple, les Ehpad). Un double point de vue qui permet entre autres à un président de conseil général de constater que si les prévisions en termes de contrats aidés ont été atteintes voire dépassées dans le secteur public, "le secteur privé pose aujourd'hui problème". Car pour les entreprises privées, le contexte économique dégradé ne se prête guère à l'accueil de nouvelles recrues, fut-ce en CUI-CIE. "Même pour les formations en alternance et pour les stages, les jeunes ne trouvent pas de place…", note Claudy Lebreton.
Autre souci des départements : celui d'une cohérence, d'une "visibilité et prévisibilité". Autrement dit, le souhait que ces dispositifs s'inscrivent bien dans un "véritable parcours de professionnalisation" pour le bénéficiaire et s'appuient bien sur les pactes territoriaux d'insertion (PTI) mis en place par les conseils généraux. "Nous avons aussi plaidé auprès de Michel Sapin pour que soit prise en compte la spécificité de chaque territoire", relate Claudy Lebreton. Celui-ci a par ailleurs indiqué au ministre que les collectivités aimeraient elles aussi pouvoir bénéficier de l'autre nouveau contrat que prépare le gouvernement, le contrat de génération (embauche en CDI d'un jeune placé sous le tutorat d'un senior)  : "Cela pourrait être, pour certaines d'entre elles, une bonne façon de préparer les départs à la retraite qui se profilent au sein de la fonction publique territoriale".
Pour l'heure, le président de l'ADF est en tout cas satisfait que son association ait pu prendre part à la Conférence sociale, au même titre que l'Association des régions de France notamment. Ce qui, apprendra-t-on au passage, n'avait pas été prévu d'emblée. "Le ministre a pour sa part apprécié cette présence des élus départementaux, y compris sur des thématiques où l'on ne nous attendait pas forcément. En fait, nous aurions pu avoir notre place dans toutes les tables rondes !" Un motif plus global, enfin, de satisfaction pour Claudy Lebreton : le fait que cette conférence ait, estime-t-il, initié "un changement radical dans la façon de concevoir le dialogue social", et ait été marquée par "une vraie culture de la négociation".

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