Eurostat, l'office statistique de l'Union européenne (UE), publie les chiffres 2015 des mineurs isolés étrangers (MIE) ayant déposé une demande de protection internationale dans un pays de l'UE. C'est peu dire que la crise migratoire se lit dans les statistiques d'Eurostat. L'an dernier - et selon les chiffres transmis à Eurostat par les différents pays membres - l'Europe a ainsi accueilli 88.300 jeunes considérés comme mineurs non accompagnés. La progression est spectaculaire : alors qu'entre 2008 et 2013, le nombre annuel des arrivées de MIE se situait entre 11.000 et 13.000 mineurs, ce chiffre a doublé en 2014 (23.000), puis pratiquement quadruplé l'an dernier.

Des chiffres très inhabituels

Cette progression de près de 400% est très nettement supérieure à celle du total des demandeurs d'asile, qui a atteint +123% l'an dernier (voir notre article ci-contre du 10 mars 2016). Les MIE représentent désormais 7% des demandeurs d'asile.
Il s'agit en très grande majorité de garçons (91%). Ils sont âgés en majorité de 16 à 17 ans (57%), suivis de la tranche d'âge 14-15 ans (29%) et des moins de 14 ans (13%).
En termes d'origine, le profil des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile est assez différent de celui des adultes. Le premier pays d'origine est en effet l'Afghanistan, avec 51% du total. Viennent ensuite la Syrie (16%), l'Erythrée (6%), l'Irak (5%) et la Somalie (4%).
Les chiffres sont tout aussi notables en ce qui concerne les pays de dépôt de la demande d'asile. Avec 35.250 MIE enregistrés en 2015, la Suède a vu arriver, à elle seule, 40% des mineurs non accompagnés entrés dans l'UE et l'Espace économique européen. Elle est suivie de l'Allemagne (16%), de la Hongrie (10%) et de l'Autriche (9%).

Et la France dans tout ça ?

En 2015, la France n'arrive qu'au quinzième rang, avec 320 MIE enregistrés, soit 0,36% du total des arrivées enregistrées en Europe... Elle se situe ainsi non seulement très loin derrière les quatre pays déjà cités, mais aussi derrière des pays comme la Norvège (5.050), l'Italie (4.070), les Pays-Bas (3.855), le Royaume-Uni (3.045), la Suisse (2.670), la Belgique (2.650), le Danemark (2.125)... Cette grande discrétion de la France dans la prise en charge de la crise migratoire se lisait déjà - à un degré toutefois moindre - dans les résultats 2015 de la demande d'asile globale (voir notre article ci-contre du 10 mars 2016).
Les chiffres d'Eurostat mettent en évidence un autre phénomène, pour ne pas dire un dysfonctionnement. Celui-ci concerne la part des MIE dans le total des mineurs demandeurs d'asile arrivés en 2015 (dont la majorité arrivent avec leurs parents). A l'échelle de l'UE, cette proportion est de 23%. Mais elle monte à 56,6% en Italie (autrement dit, plus d'un mineur demandeur d'asile sur deux est un MIE), à 50,1% en Suède, à 48,7% en Norvège, à 38,5% au Royaume-Uni, à 33,7% au Danemark. L'ampleur de ces pourcentages laisse soupçonner l'existence de filières dans les pays concernés. En France cette proportion est de... 2,4%, ce qui veut dire que la quasi-totalité des mineurs demandeurs d'asile arrivent avec leur famille.
Ces chiffres posent forcément la question de la réalité de la crise des MIE en France. Les choses peuvent bien sûr évoluer en 2016 et il est vrai qu'Eurostat raisonne en flux (arrivées 2015) et non pas en stock (la France compte entre 8.000 et 10.000 MIE). Mais il semble néanmoins peu probable que 320 MIE supplémentaires en 2015 suffisent à mettre à mettre à mal la situation budgétaire de plusieurs dizaines de départements qui les accueillent. Depuis quelques mois, la question des MIE semble d'ailleurs moins présente dans le débat public, d'autant que les départements sont confrontés à des difficultés financières d'une tout autre ampleur, notamment avec le RSA. De là à dire que la crise des MIE est terminée ?...

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