Expérimentés à partir de 2018 et généralisés un an plus tard, les Pial (pôles inclusifs d'accompagnement localisés) vont déjà disparaître. Il avait en effet été décidé lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) d'avril dernier de les remplacer par des Pôles d'appui à la scolarité (PAS). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, adopté le 9 novembre en première lecture à l'Assemblée nationale à la suite de la mise en œuvre de l'article 49.3 de la Constitution, vient entériner cette mesure. Une nouveauté accueillie avec réserve par les associations du secteur.

Alors que les Pial avaient pour objet la coordination des moyens d'accompagnement humain au sein des établissements scolaires de l'enseignement public et privé sous contrat, leur bilan a été jugé "très mitigé" par la Défenseure des droits (lire notre article du 30 août 2022). Celle-ci les a décrits comme "extrêmement flous en pratique" et a pointé "un fonctionnement très disparate en fonction des territoires, sans qu'une coordination appropriée n'ait été pensée", ajoutant qu'"un certain nombre de Pial font primer la gestion des ressources humaines sur la réponse aux besoins de l'enfant".

"Réforme systémique"

Pour les remplacer et "rendre encore plus accessible l'école aux enfants en situation de handicap en leur offrant la scolarité la plus adaptée", selon son exposé des motifs, l'article 53 du PLF pour 2024 crée les PAS. Une création vue par le gouvernement comme "une réforme systémique du dispositif d'inclusion scolaire".

De fait, il s'agit bien d'un changement de système. Là où les Pial s'appuyaient avant tout sur les notifications de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour mettre en œuvre des réponses visant à favoriser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers, c'est désormais l'Éducation nationale qui apportera la réponse "de premier niveau" aux besoins identifiés à travers les PAS. Réponse qui pourra prendre la forme d'adaptations pédagogiques, de mise à disposition de matériel pédagogique adapté, ou encore d'intervention de personnels de l'Éducation nationale en renfort ou de professionnels du secteur médicosocial.

En pratique, les parents des élèves concernés ou les établissements scolaires, en lien avec les familles, saisiront le PAS de leur ressort. À la suite de cette saisine, le PAS expertisera et définira les besoins de l'élève puis notifiera aux parents la réponse de premier niveau. Les parents auront alors la possibilité de saisir la MDPH d'une demande de reconnaissance de handicap et de compensation. Dans cette optique, le PAS transmettra à cette dernière tous les éléments d'appréciation utiles à l'évaluation de la demande.

L'Éducation nationale et MDPH prescriptrices des aides

Cette réponse de premier niveau est donc la grande nouveauté du texte : une notification de la MDPH ne sera a priori plus un passage obligé pour obtenir une aide à la scolarisation en milieu ordinaire, l'Éducation nationale devenant prescriptrice de cette aide.

La MDPH n'est pas pour autant écartée de toute prescription puisque le texte prévoit que dans le cas où elle constate que la scolarisation d'un enfant requiert une aide, sa décision est communiquée au PAS. Il reviendra alors à celui-ci d'en déterminer les modalités et d'organiser sa mise en œuvre. Le PAS définira par exemple la quotité horaire de l'accompagnement par un AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap).

Dans ce dernier cas, s'ils estiment que les modalités décidées par le PAS "contreviennent manifestement" à la mesure prescrite par la MDPH, les parents peuvent saisir une commission mixte associant, dans le département, des personnels de santé et des personnels éducatifs, afin qu'elle fixe elle‑même ces modalités.

Risque de confusion

Avant même son adoption par l'Assemblée nationale, ce texte a fait l'objet d'un avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Outre "l'absence de concertation préalable", celui-ci estime que le PLF "va bien au-delà de la seule mesure financière en inscrivant, dans le Code de l'éducation, des changements importants, voire des régressions". Parmi différents griefs, il pointe notamment "la confusion entre mesures d'accessibilité et mesures de compensation individuelle", "le manque de précisions sur le périmètre de décision du PAS" ou encore "la possibilité de moduler la quotité horaire d'accompagnement, y compris dans le cas de l'intervention d'une aide individuelle notifiée par la MDPH".

De son côté, via un communiqué du 19 octobre, le Collectif handicaps fustige un article 53 du PLF qui "pose plus de questions qu'il n'en résout" et "fait craindre un recul des droits des enfants en situation de handicap". Pour cet organisme qui rassemble 52 associations, si "l'Éducation nationale doit mettre en œuvre tous les moyens possibles pour rendre l'école accessible, […] la MDPH doit rester souveraine sur les décisions de compensation individuelle", autrement dit, "chaque institution doit avoir son rôle, son expertise et sa responsabilité : aucune ne doit se défausser ou empiéter sur l'autre".

Dans une récente question écrite au gouvernement, Philippe Paul, sénateur du Finistère, s'est fait le relais des inquiétudes des familles d'enfants porteurs de handicap face à la création des pôles d'appui à la scolarité. Il demandait ainsi à la ministre des Solidarités et des Familles de lui préciser la volonté du gouvernement à travers cette initiative. La réponse, encore en attente, sera particulièrement scrutée par les familles des quelque 470.000 élèves en situation de handicap actuellement scolarisés en milieu ordinaire et de ceux qui aspirent à l'être.

En attendant, une centaine de PAS devaient être créés dès la rentrée 2024 dans trois départements volontaires et leur déploiement devra être généralisé à l'ensemble de la France au plus tard le 1er septembre 2026, date à laquelle ils se substitueront définitivement aux Pial. Ils nécessiteront le recrutement de cent enseignants à temps plein, pour un coût estimé de 3,8 millions d'euros en année pleine.

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