Développer le sport pour tous et corriger les inégalités territoriales. Depuis bientôt deux mois qu'il a pris les rênes du ministère des Sports, David Douillet martèle ces deux mots d'ordre. Mercredi 23 novembre, lors de son intervention au Congrès des maires de France dans un atelier consacré au "sport pour tous", il a immédiatement saisi la perche qui lui était tendue pour les rappeler : "L'Association des maires de France a fait le choix de centrer les débats de son congrès autour de la notion d'intérêt général. Toute mon action ministérielle est elle aussi déterminée par l'intérêt général. Le développement du sport pour tous est une priorité du ministère des Sports. J'en ai fait ma priorité numéro un." Mais l'action qu'envisage David Douillet en faveur du sport pour tous se fera en partenariat avec les collectivités… ou ne se fera pas. Après avoir rappelé la proximité du maire avec les citoyens et le rôle des communes pour encourager la diversité des pratiques et répondre aux demandes des citoyens, le ministre a insisté sur l'indispensable complémentarité des politiques de l'Etat et des collectivités : "Notre partenariat est indispensable à l'intérêt général."

Des aides financières stables…

Fallait-il voir dans cette formule passe-partout le simple vœu pieux du jeu collectif cher à l'ancien champion ? Non, le message était plus précis que cela. "Si je privilégie l'efficacité de l'action, c'est parce qu'elle est synonyme de l'efficience de la dépense publique. Le contexte actuel doit plus que jamais nous inciter à coordonner nos politiques afin qu'elles soient moins dispendieuses." Et David Douillet d'inviter les communes et leurs groupements à une plus grande implication. Implication dont le caractère financier n'est pas explicitement mentionné mais qui se devine quand le ministre annonce que "le budget du ministère des Sports sera pour l'année 2012 stable par rapport à 2011" (lire notre article du 17 novembre 2011 ci-contre). Or il faudra bien trouver des moyens financiers supplémentaires pour répondre aux ambitions affichées par l'Etat. Sa vision du sport pour tous passe en effet par quelques chantiers d'importance : aider les équipements déficitaires d'un parc vieillissant (24 ans d'ancienneté en moyenne, 33 ans pour les bassins nautiques) ; soutenir la diversification des pratiques ; inciter à la pratique des jeunes ; réduire les inégalités d'accès à la pratique entre les femmes et les hommes ; soutenir les sports émergents. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS) jouera une fois de plus un rôle d'aiguillon pour orienter la politique sportive depuis le haut (lire notre article du 18 novembre ci-contre). Mais David Douillet entend surtout densifier le soutien en matière grise du ministère aux collectivités locales. Ce qu'il appelle "un partenariat fondé sur l'accompagnement stratégique de l'Etat".

… une aide stratégique à la hausse

"Dans la très grande majorité des cas, les maires font les bons choix malgré les pressions auxquelles ils peuvent être confrontés de la part de leurs administrés ou du monde sportif, a déclaré le ministre. Mais il arrive que les choix en termes d'équipements sportifs ne soient pas opportuns." Pour remédier à ce manque "d'éclairage", l'Etat propose donc d'aiguiller les collectivités territoriales dans leurs choix. Aux côtés des diagnostics territoriaux approfondis, lancés par Chantal Jouanno plus tôt dans l'année (lire ci-contre notre article du 24 mai 2011), David Douillet a annoncé le mois dernier la mise en œuvre d'un schéma de cohérence territoriale, "vecteur de réduction des déficits territoriaux en matière d'équipements de proximité". Pour le ministre, ces schémas serviront à "identifier les territoires les plus déficitaires et les types d'équipements qu'il faut y construire en priorité". Bien entendu, ils permettront également au CNDS de disposer de critères plus objectifs pour attribuer des subventions, ce qui, à terme, devrait aboutir à une réduction du nombre de dossiers d'investissements déposés auprès du centre.
Un peu plus tôt dans la matinée, lors d'un atelier consacré à "la réduction des inégalités territoriales en matière d'équipements sportifs", Claudie Sagnac, sous-directrice de l'action territoriale au ministère des Sports, avait pour la première fois détaillé les contours de ce schéma de cohérence territoriale. A partir du périmètre déjà retenu pour l'atlas des équipements (structures intercommunales françaises au 1er janvier 2010 lorsqu'elles existent ou, à défaut, communes isolées), il s'agira de déterminer la liste des territoires caractérisés par des manques importants pour chaque catégorie d'équipements sportifs recensés, en prenant en compte leurs caractéristiques géographiques et socio-économiques.

Les critères du futur schéma de cohérence territoriale

Les territoires "carencés" seront identifiés selon sept critères : la diversité de l'offre d'activités sportives (nombre de disciplines sportives praticables par EPCI) ; la quantité de l'offre d'équipements (taux d'équipements sportifs par EPCI pour 10.000 habitants) ; l'accessibilité aux équipements (en kilométrage par la route et/ou en temps) ; la géographie prioritaire de la politique de la ville en regardant les zones urbaines sensibles (la carte devra faire ressortir les territoires les plus déficitaires en équipements sportifs et en diversité de pratiques comprenant une ZUS) ; l'accessibilité des scolaires jugée à l'aune du temps d'accès aux équipements ; l'accessibilité des enfants aux pratiques choisies ; l'animation locale par les manifestations sportives (dont le critère serait le nombre d'équipements sportifs disposant d'une tribune de plus de 250 places par EPCI). Ces sept critères seront étudiés progressivement. D'autres caractéristiques des territoires pourraient être prises en compte afin de déterminer quels sont les territoires les moins bien équipés. A la fin des travaux, le ministère devrait être en mesure d'établir la liste de ces territoires et de déterminer les grandes catégories d'équipements les moins représentées sur le territoire. Ce schéma de cohérence devrait être finalisé au printemps 2012.
Enfin, le ministère des Sports va encore se doter d'une cellule de conseils pour aider les collectivités locales dans leur choix d'équipements sportifs. "Je ne veux plus que se renouvellent certaines erreurs lourdes de conséquences financières comme celle des piscines traitées au PHMB (1)", a précisé David Douillet.
C'est donc d'une expertise de l'Etat inédite dont vont bientôt pouvoir bénéficier les collectivités territoriales pour opérer les meilleurs choix d'implantation d'équipements sportifs au regard des objectifs de développement du sport pour tous et de réduction des inégalités d'accès à la pratique. Reste à savoir avec quels moyens pourront être financés les équipements nécessaires au renouvellement d'équipements vieillissants et à la construction de ceux qui manquent pour remplir ces objectifs…

Jean Damien Lesay

(1) Après un avis défavorable à l'utilisation d'un désinfectant pour eau de piscine rendu par l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) en juin 2010, de nombreuses collectivités avaient dû remplacer dans les meilleurs délais ce produit contenant du PHMB (polymère d'hexaméthylène biguanide) par un autre produit autorisé afin de garantir une qualité de l'eau conforme aux dispositions de l'article D.1332-3 du Code de santé publique.

Pour David Douillet, "la CCEN ne sera pas une sécurité supplémentaire" face aux normes sportives

David Douillet a profité de son intervention au Congrès des maires pour préciser sa position sur les normes sportives. "J'ai entendu le mécontentement des élus locaux à l'égard des évolutions des normes sportives. Vos critiques sont sur ce point souvent fondées", a-t-il déclaré. Et après les récents propos de Gilles Carrez, président du Comité des finances locales (CFL) (lire notre article du 10 novembre ci-contre), souhaitant voir le rôle de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) renforcé face aux normes sportives, le ministre s'est voulu rassurant quant à l'avenir de la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) : "Mon opinion est que l'intérêt des collectivités territoriales réside dans le maintien de la Cerfres. C'est une instance de concertation que la CCEN ne pourrait remplacer. Le risque aujourd'hui est que les élus locaux soient perdants au change. La CCEN ne sera pas une sécurité supplémentaire : nul n'a aujourd'hui les moyens juridiques de s'opposer à des évolutions de normes issues de modifications édictées par des instances sportives internationales. La seule réponse réside dans la concertation entre les collectivités territoriales et le mouvement sportif, ce dont s'acquitte aujourd'hui la Cerfres de manière satisfaisante."

J.D.L.

ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFonZqtpJp6pbGMn6CnmZ6Ysq6xza1kpZ1doravtdKtnKudXZmytHnSqaarrKNiw6bB02apnqaWpL%2BksdFmo5ploJq%2FtbXNnqWcnV2ZsrR5wqGmorBdmbKywcipnKadnqnA