Après l'euphorie de l'heure des régions, et le vote en première lecture de la carte des 13 grandes régions, vient le moment de définir le contenu de ces grosses boîtes. Or à l'Association des régions de France (ARF), on sent déjà poindre une déception. Le même scénario semble se reproduire à intervalle régulier depuis deux ans.
Le deuxième projet de loi de répartition des compétences "ne nous donne pas satisfaction", a ainsi déclaré le président de l'ARF, Alain Rousset, mardi 30 septembre, à un peu plus d'une semaine du 10e congrès de l'association à Toulouse, où se rendra le Premier ministre en personne. Une première dans l'histoire de l'ARF. D'ici là, le président de l'ARF aura l'occasion de s'entretenir avec Manuel Valls pour tenter d'avancer sur les dossiers qui fâchent. Il constate par exemple que du côté de la réforme de l'Etat cela "ne bouge pas". "Il faut choisir entre déconcentration et décentralisation, la France ne peut pas se payer les deux", a-t-il martelé. Alain Rousset est allé jusqu'à défendre l'idée d'une seule fonction publique pour les fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales.
S'agissant de l'avenir du département, il s'en est tenu au schéma de Manuel Valls, à savoir une organisation à géométrie variable avec trois cas de figure : fusion du département avec la métropole selon le "modèle lyonnais", fédérations d'intercommunalités là où celles-ci sont fortes, et des départements maintenus mais aux compétences allégées dans les zones très rurales. Selon Alain Rousset, la Datar (ou plutôt le CGET) aurait réfléchi à une liste de départements très ruraux. Environ 14 départements seraient concernés.

"La strate de collectivité la plus en difficulté"

Les régions attendent enfin que le chantier de la fiscalité régionale avance. Et le plus vite sera le mieux. Pour Alain Rousset, il ne s'agit pas d'attendre les futures régions au 1er janvier 2016 pour se pencher sur la question. A force de rogner sur les dotations, les crédits d'investissements des régions en sont "à l'os". "On attaque la partie investissement", s'est-il alarmé au moment même où le projet de loi de finances pour 2015 était présenté au Comité des finances locales, confirmant la baisse des dotations aux collectivités de 11 milliards d'euros en trois ans.
"Les régions sont la strate de collectivité la plus en difficulté pour la raison très simple qu'elles ont le plus fort pourcentage de dotations de l'Etat", a déclaré Martin Malvy, le président de la région Midi-Pyrénées. En projetant la tendance actuelle sur 2014-2017, les régions verraient augmenter leurs recettes de 400 millions d'euros mais perdraient 1,5 milliard d'euros de dotations, soit une perte sèche de 1,1 milliard d'euros, a indiqué Martin Malvy, alors que dans le même temps les départements enregistreraient un excédent d'1 milliard d'euros et que le bloc communal serait presque à l'équilibre. Entre 2010 et 2013, l'autofinancement net des régions a diminué de 18%, presque deux fois plus vite que les conseils généraux (10,6%) et le bloc communal (7,9%), a-t-il précisé.
Or, pour Alain Rousset, "les régions sont les collectivités qui remettent le plus d'argent dans le circuit économique". L'ARF réclame une ressource assises sur l'activité économique et propose "dès la loi de finances pour 2015" une ressource complémentaire dédiée au financement du ferroviaire.

12,2 milliards d'euros pour les contrats de plan

Les régions ont deux autres sujets d'inquiétude pour leurs investissements. Tout d'abord sur le financement du programme "Usines du futur" qui repose sur les programmes d'investissement d'avenir. "Il y a un problème de cofinancement de l'Etat", a déploré Alain Rousset. Les régions essaient aussi de faire bonne figure au moment de la négociation des contrats de plan (CPER). Elles ont enfin reçu leur maquette financière des préfets. Comme nous l'annoncions début septembre, elles perçoivent ainsi 12,2 milliards d'euros d'ici à 2020, contre 12,7 lors de la précédente programmation. "Le gouvernement a fait un effort sur le montant global", s'est réjoui Alain Rousset, sachant qu'initialement, le gouvernement tablait plutôt sur 9,6 milliards. Mais les périmètres ne sont pas identiques puisque le gouvernement y a inscrit les routes auxquelles plus d'un milliard d'euros sera consacré, au détriment des autres enveloppes.
Ainsi, la part consacrée aux transports explose et passe, d'une programmation à l'autre, de 3,3 à 6,7 milliards d'euros. L'écologie - transition énergétique oblige - verra aussi sa part augmenter de 2,1 à 2,8 milliards d'euros. Ailleurs, quasiment toutes les autres enveloppes sont en diminution. A commencer par l'enseignement supérieur et la recherche qui ne recevra plus que 950 millions contre 2,9 milliards, et l'aménagement du territoire : 735 millions d'euros au lieu d'1,24 milliard d'euros. Comme le demandaient les régions, l'agriculture et la culture recevront bien des financements. Mais l'agriculture est réduite à la portion congrue avec 50 millions d'euros contre 1,2 milliard. La culture reçoit 220 millions contre 361 millions d'euros en 2007-2013. Enfin, l'enveloppe urbanisme passe de 252 à 150 millions, l'emploi de 210 à 25 millions et l'industrie de 429 à 253 millions. L'Outre-Mer, en revanche, voit sa part augmenter de 268 à 341 millions d'euros. "Il reste à discuter", a indiqué Alain Rousset, citant notamment la recherche et les universités, ainsi que la répartition des crédits entre la route et le rail. Mais "il y a une précisions des données de l'Etat telle que notre marge de manoeuvre est faible", a-t-il reconnu.
A elle seule, la région Ile-de-France recevra 1,85 milliard d'euros, soit 300 millions d'euros de moins que lors de la précédente programmation. L'Aquitaine percevra de son côté 546 millions d'euros, soit 100 millions de moins. Les régions mettront l'équivalent sur la table, le reste sera abondé par les autres niveaux de collectivités. Mais ceux-ci attendent des éclaircissements. "Aujourd'hui, qu'il s'agisse des contrats de plan ou des programmes opérationnels européens, la concertation entre la région et l'infrarégional ne se passe pas toujours très bien… et il n'y a parfois pas de concertation du tout",  a déploré Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France (ex-Fédération des villes moyennes), mardi, lors d'un point presse. Selon elle, cela augure mal de la suite des événements lorsque les régions, au terme de la réforme territoriale, "auront presque toutes les compétences importantes". "Cela montre en tout cas que la région devra respecter certaines règles, qu'il faudra des garde-fous, un vrai droit de regard pour les autres niveaux de collectivités", estime-t-elle. Pourtant, Alain Rousset l'assure : "Les régions ont toutes mis en place des dispositifs de concertation qui sont en béton."

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