A l’heure où certaines villes décident de moratoires (voir ci-dessous l’exemple de Nantes) force est de constater que la 5G est déjà une réalité en France. Selon son recensement daté du 4 décembre 2020, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) a en effet répertorié 16.000 émetteurs 5G opérationnels -mais pas forcément activés notamment sur les villes ayant opté pour un moratoire – soit près d’un tiers des 52.000 sites 4G que compte la France.
5G à plusieurs vitesses
"Ces antennes émettent pour l’essentiel sur la bande basse des 700 Mhz, déjà utilisée pour la 4G, à peine un millier d’antennes utilisant les nouvelles fréquences 3,5-3,8 Ghz pour le moment", détaille Gilles Brégant le directeur général de l’ANFR. Une précision importante car la 5G n’offre pas les mêmes performances, ne poursuit pas les mêmes finalités en fonction de la fréquence utilisée. Ainsi Bouygues, Orange et SFR utilisent la bande des 3,5 Ghz sur les zones urbaines. "Il s’agit de désengorger les réseaux 4G", comme l’a rappelé Laure de La Raudière, députée (Agir) d'Eure-et-Loir qui "comprend mal ces élus qui décident de moratoires" et risquent d’exposer leurs habitants à une "dégradation des services mobiles". Free se distingue de son côté par un déploiement massif de la 5G sur la bande des 700 Mhz dans des zones moins denses (11.000 pylônes). Une stratégie qui s’explique par la volonté de l’opérateur de réduire sa dépendance à Orange à qui il loue des émetteurs 4G. Cette bande, intéressante pour ses propriétés de pénétration à travers les bâtiments, a cependant pour inconvénient des performances moindres que la bande des 3,5 Ghz. Les territoires vont-ils devoir se contenter d’une sorte de 4G++ ? Christine Hennion, députée (LREM) des Hauts-de-Seine, se veut rassurante en rappelant que "le régulateur a imposé au moins 25% de sites 5G aux opérateurs dans des zones peu denses" et que "la 5G devrait bénéficier des sites du New deal mobile".
Interrogations sur la bande des 26 Ghz
Néanmoins il y a le risque que les usages les plus novateurs se cantonnent aux villes. Cette fracture est surtout à craindre pour la bande des 26 Ghz. "Les temps de latence minimes et les très haut débits qu’autorise cette bande vont véritablement transformer les usages", assure Thierry Boisnon, président de Nokia France. Mais pour le moment, le calendrier d’attribution de la bande 26 GHz comme les obligations associées (notamment en matière de couverture) ne sont pas encore connues. Seules quelques expérimentations ont été autorisées par l’Arcep. "Trop peu" au dire de l’équipementier qui regrette que si peu d’acteurs, en dehors des opérateurs télécoms, se soient emparés de la technologie de "l’usine 4.0 et du véhicule autonome". Une chose est cependant d’ores et déjà certaine : il faudra davantage de cellules pour maximiser le potentiel de cette super 5G. Restera à savoir si les territoires seront prêts à accepter une multiplication du nombre d'antennes sur une fréquence qui concentre les interrogations sanitaires… Cette 5G exigera également davantage de datacenters. "Car la 5G ne se résume pas à de nouvelles antennes mais induit un changement profond d’architecture pour rapprocher au maximum la puissance de calcul des usages", explique Guy Pujolle, professeur à la Sorbonne. "Des micro-datacenters qui pourraient être l’occasion de renforcer notre souveraineté numérique, sous réserve que les Gafam ne préemptent pas ce marché", relève Thibault Ducray, directeur de Talan Labs.
Une équation énergétique compliquée
Ces datacenters pèseront également sur le bilan environnemental de la 5G, au cœur des critiques des détracteurs de la technologie. Il apparait cependant difficile de rendre un verdict définitif sur ce point. Directionnelles et "intelligentes", les antennes 5G seront ainsi moins consommatrices en énergie notamment "parce qu’elles ne fonctionnent que si un terminal les sollicite", explique Gilles Brégant. Nokia avance même le chiffre de 15% de réduction de la facture énergétique par rapport aux antennes 4G. Ce bilan serait cependant à nuancer par l’augmentation des consommations énergétiques des datacenters amenés à traiter des volumes de données toujours plus importants. "Au total on peut penser que la consommation énergétique va augmenter mais dans des proportions moindres que s’il n’y avait eu que la 4G", assure le professeur Pujolle. "Il faut surtout arrêter de se focaliser sur la 5G et réaliser une analyse globale de l’impact environnemental du numérique en prenant en compte, par exemple, les consommations énergétiques maitrisées par les capteurs ou encore les déplacements évités par les visioconférences", souligne de son côté Eric Bothorel, député (LREM) des Côtes-d'Armor.
Débattre des usages du numérique
C’est du reste les usages du numérique qui décideront, in fine, de l’impact environnemental de la 5G. "C’est là-dessus qu’il doit y avoir un débat citoyen", reconnait Christine Hennion. "On ne va pas pouvoir tout connecter et un jour il va falloir prioriser", renchérit Hugues Ferreboeuf, chef de projet au Shift Project dont le think tank vient de produire un rapport sur l’impact environnemental du numérique. Poussés par l’urgence climatique, les pouvoirs publics devraient être amenés à réguler les usages en imposant un principe de sobriété aux équipements électroniques. Faut-il aller plus loin en interdisant les gadgets comme les poêles et autres chaussettes connectées ? "Il est très difficile de réguler l’innovation car il n’est pas toujours facile de distinguer le gadget de ce qui ne l’est pas", met en garde Olivier Babeau, président de l'Institut Sapiens. Et de citer l’exemple du téléphone, imaginé à l’origine comme un "théâtrophone", qui a fini par s’imposer comme une des technologies clé du 20e siècle.
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