L'urbanisme commercial pourrait enfin être intégré au Code général de l'urbanisme. Le gouvernement avait promis de faire avancer les choses dans ce domaine il y a plus d'un an mais jusque-là, rien. Le projet de réforme avait du mal à voir le jour, jusqu'au 3 mai 2010, où une proposition de loi a enfin été déposée à l'Assemblée nationale pour un examen le 15 juin. Objectif : mieux réglementer l'urbanisme commercial. Il faut dire que depuis la mise en œuvre de la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008, la situation s'est dégradée. Et comme le souligne la proposition de loi dans ses motifs, "les règles adoptées ont rapidement montré certaines imperfections et limites propres à continuer de favoriser le développement des zones à prédominance commerciale situées à la périphérie des villes au détriment des zones de centralité dont la vocation multifonctionnelle ne cesse de s'amenuiser". Le bilan "désastreux" dressé par Jean Gaubert, député des Côtes-d'Armor, et Patrick Ollier, député des Hauts-de-Seine, et président de la commission des affaires économiques, venu remplacer Jean-Paul Charié, décédé en novembre 2009, a ainsi montré les limites de la loi qui a fait passer de 300 à 1.000 mètres carrés la superficie de surface ne nécessitant pas d'autorisation préalable. Difficultés d'interprétation du texte, donnant lieu à des abus de la part de certaines grandes surfaces, manque d'informations concernant les projets d'extensions de magasins réalisés, critères d'appréciation trop flous qui laissent une marge de manœuvre importante aux commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC)… Les points noirs de la LME sont nombreux, sans compter l'explosion des projets de grandes surfaces, avec, selon Procos, la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé, plus de 4 millions de mètres carrés en 2009. A l'opposé, les projets commerciaux dans les centres-ville n'affluent pas : pour les cinq années à venir, ils représentent 12% seulement des surfaces en projet, soit 890.000 mètres carrés, contre 80%, soit 5,9 millions de mètres carrés pour les opérations de périphérie.
Les Scot dotés d'un volet commercial
La proposition de loi déposée par Patrick Ollier cherche à rectifier le tir. Elle propose notamment que ce soit le schéma de cohérence territoriale (Scot) qui précise les règles guidant les implantations commerciales dans les centres-ville comme en dehors. Le Scot fixerait, à l'échelle de plusieurs communes ou groupements de communes, les orientations fondamentales de l'organisation du territoire et de l'évolution des zones urbaines, pour assurer un équilibre entre zones urbaines, industrielles, touristiques, agricoles et naturelles. Les projets d'implantation ou d'extension commerciales seraient ainsi considérés et appréciés dans un contexte global, prenant en compte les différentes dimensions du territoire. Seul problème : les Scot ne couvrent aujourd'hui qu'une faible partie du territoire et il faudra avant tout s'atteler à leur généralisation.
Le plan local d'urbanisme (PLU) serait quant à lui chargé de décliner au niveau de la parcelle les orientations fixées. En revanche, si l'on se situe dans le périmètre d'un établissement public intercommunal, c'est le PLU intercommunal qui définirait les règles d'autorisation. Et dans le cas où l'intercommunalité n'est pas dotée d'un tel PLU, un schéma d'orientation commerciale pourrait être établi, décliné ensuite au niveau de chaque PLU. Enfin, si la commune n'est pas dotée d'un PLU et n'est pas incluse dans une intercommunalité, "l'autorisation d'implantation commerciale serait accordée par la commission régionale d'aménagement commercial territorialement compétente", détaille la proposition de loi, qui, en conséquence de ces nouvelles dispositions, met fin aux systèmes d'autorisation des loi Royer de 1973 et Raffarin de 1996, jugés inefficaces. La CDAC, mais aussi la Commission nationale d'aménagement commercial (Cnac) et les observatoires départementaux d'équipement commercial sont supprimés. "Le Scot va être enfin doté d'un volet commercial à portée juridique, se félicite Pascal Madry, directeur des études de Procos. C'est une véritable avancée car il sera plus prescriptif et pourra s'imposer à l'échelle locale." Mais des risques persistent toutefois quant à l'application, par les petites villes notamment, des orientations générales données par le Scot. "Un promoteur peut aller voir un maire, si son projet est alléchant, le maire mordra à l'hameçon même si l'opération n'a aucune cohérence avec les besoins et contraintes du territoire, explique Michel Pazoumian, délégué général de Procos. C'est l'anarchie qu'on a vécue depuis plusieurs années !" Une crainte d'autant plus forte que le 6 mai, dans le cadre des débats sur le Grenelle 2, les députés ont refusé que l'élaboration des PLU se décide au niveau de l'intercommunalité et non plus au niveau des maires… "Il faudrait un super Scot avec des orientations encore plus précises et un principe de zonage, ou, à défaut, des PLU intercommunaux", détaille pourtant le responsable de Procos.
Reste qu'avec ce texte, la réforme tant attendue de l'urbanisme commercial pourrait devenir réalité. Une concertation devrait avoir lieu sur la base de la proposition de loi avant son passage au Parlement, en commission puis en séance publique.
Emilie Zapalski
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