Claude Goasguen, député (UMP) de Paris, et Christophe Sirugue, député (PS) de Saône-et-Loire, ont remis le 9 juin leur rapport d'information sur l'aide médicale d'Etat (AME), réalisé pour le compte du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale. Alors qu'un débat national s'est installé sur "l'assistanat" autour des minima sociaux, ce rapport confirme l'intérêt de l'AME, qui a pourtant elle-même fait l'objet de diverses critiques et a donné lieu à de récentes réformes législatives très controversées (voir nos articles ci-contre). Cette prise de position en faveur de l'AME rejoint ainsi celles de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) - dans leur rapport conjoint sur le sujet - et celle du rapporteur des crédits de la mission santé au nom de la commission des affaires sociales, dans le cadre de l'examen du dernier projet de loi de finances (voir nos articles ci-contre du 6 janvier 2011 et du 3 décembre 2010).

Des considérations qui "imposent le maintien de l'accès aux soins"

Le rapport constate, certes, la progression très rapide des dépenses d'AME, prestation créée en 2000. De 377 millions d'euros en 2005, elles sont passées à 623 millions d'euros l'an dernier et 588 millions sont inscrits dans la loi de finances pour 2011 (alors que l'on s'attend plutôt à une dépense de l'ordre de 640 millions). Pour autant, il n'y a pas d'"explosion" de la consommation de soins par les bénéficiaires de cette prestation. Comme les enquêtes précédentes, les rapporteurs confirment également que les fraudes supposées n'ont rien à voir avec cette envolée. La Caisse nationale d'assurance maladie les évalue en effet à moins de 0,3% du montant des prestations. Le fantasme des innombrables ayants droit d'un même bénéficiaire est également mis à mal par les deux rapporteurs, qui rappellent que 81% des bénéficiaires de l'AME sont des personnes isolées et que seuls 5% ont deux ayants droit ou davantage.
La hausse constatée (+185% de bénéficiaires depuis 2000) s'explique en réalité par la conjonction de plusieurs phénomènes, comme le nombre croissant de demandeurs d'asile, l'augmentation du nombre de bénéficiaires ressortissant de l'Union européenne (passés de 189.000 en 2005 à 227.000 en 2010, du fait de l'obligation de disposer d'une couverture maladie pour bénéficier d'un droit au séjour) ou la forte hausse des coûts des séjours hospitaliers (qui représentent les trois quarts des dépenses d'AME). Pour Claude Goasguen en effet, "le problème majeur est un problème de transfert de charges vers l'AME. Ces charges sont en réalité des charges hospitalières qui devraient normalement être gérées par la sécurité sociale et l'assurance-maladie".
Les deux rapporteurs plaident donc très clairement en faveur d'un maintien de l'AME, dans ses grandes lignes actuelles. Ils font notamment valoir que sa suppression ou des restrictions d'accès drastiques à son bénéfice feraient peser une menace sur la santé publique, en écartant des soins des personnes porteuses de maladies transmissibles, notamment infectieuses. Conclusion : "Des considérations humanitaires, comme les impératifs de politique de santé publique, imposent le maintien de l'accès aux soins."

Une visite de prévention systématique

Maintien ne veut cependant pas dire absence de réforme. Sur ce point, si chacun des rapporteurs se déclare favorable à des réformes, les préconisations sont parfois divergentes. Certaines pistes font toutefois l'objet d'un consensus. C'est le cas de l'appel à "une budgétisation correcte" des crédits de l'AME, de l'instauration d'une visite médicale de prévention systématique pour tout nouveau bénéficiaire de la prestation, de la mise en place d'une tarification de droit commun pour les soins hospitaliers délivrés aux bénéficiaires ou des réserves exprimées sur l'efficacité du "droit de timbre" de 35 euros instauré, depuis le 1er mars 2011, à l'entrée de la prestation. En revanche, même s'il doute de son efficacité en termes de maîtrise des coûts, Claude Goasguen est favorable à la portée symbolique du droit de timbre, alors que Christophe Sirugue y est fortement hostile, prolongeant ainsi la position du groupe socialiste lors des débats au Parlement.
De même, le député UMP se dit favorable à un transfert de la gestion de l'AME à un organisme d'assurance privé, préconise une enveloppe limitative annuelle pour les dépenses liées à cette prestation et se montre ouvert à l'idée de "niveaux de protection gradués". Autant de pistes de réforme que rejette son collègue socialiste. Christophe Sirugue plaide en revanche pour un assouplissement de la procédure de domiciliation des demandeurs - avec l'introduction d'une domiciliation par des tiers - et préconise l'amélioration de la couverture territoriale des lieux d'instruction des dossiers.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Assemblée nationale, comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d'information numéro 3524 sur l'évaluation de l'aide médicale de l'Etat (déposé le 9 juin 2011). 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la restriction du droit d'accès des étrangers à l'aide médicale d'Etat (AME), en considérant que la rédaction de la mesure était "précise et non équivoque" (voir notre article de ce jour en lien ci-contre : "Le Conseil constitutionnel valide la loi sur l'immigration et la nationalité").
 

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