Localtis - Dans le cadre de sa cartographie de l'anthropocène, l'IGN travaille sur des référentiels de données utiles aux territoires, pouvez-vous les détailler ?
Laurent Toustou- On citera tout d'abord le référentiel d'occupation des sols qui va aider les collectivités à se mettre en conformité avec la loi dite "zéro artificialisation nette" (ZAN). Sa particularité est d'utiliser l'intelligence artificielle pour repérer à partir d’images aériennes les différentes catégories de sols, au total 14 zones définies en fonction des spécifications de la réglementation. L'IA facilite et accélère la détection des changements, permet de traiter l'ensemble du territoire et de renouveler les données plus régulièrement.
On produit aussi des données sur les zones de biodiversité et les habitats naturels. Nous avons publié une cartographie des zones soumises à obligation légale de débroussaillement. Ces zones ont pour objectif d'éviter la propagation des incendies en imposant un débroussaillage à proximité des habitations et des forêts. On a également lancé l'été dernier un observatoire des forêts françaises nourri des données de cinq partenaires et intégrant l'inventaire national forestier. Mis à jour tous les ans, sa dernière édition met notamment en valeur les effets du réchauffement climatique ou la santé des forêts. Ces données sont fournies à l'échelle de l'EPCI pour répondre à leurs besoins de compréhension des enjeux locaux.
Qu'en est-il du portail des énergies renouvelables (ENR) ?
On a effectivement répondu à une demande du gouvernement en la matière. Coproduit avec le Cerema, ce portail des ENR vise à rassembler l'ensemble des informations nécessaires pour que les collectivités puissent avoir une vision des différents enjeux à prendre en compte dans le développement des énergies renouvelables.
Ce portail a été créé en trois mois, il a fait l'objet d'ateliers de co-construction et la version finale doit sortir le 11 décembre. Avec cet outil, les maires vont pouvoir identifier directement sur la plateforme les zones d'accélération de production d'énergie renouvelable.
Il y a enfin les données Lidar, à quoi servent-elles ?
Le Light Detection And Ranging (LiDAR) est une technologie de télédétection qui fournit une image 3D du territoire très précise grâce à un nuage de points, à raison de 10 points par m2. On a ainsi un rendu très précis du relief, du patrimoine bâti mais aussi de la masse végétale ou encore du lit des cours d'eau. C'est extrêmement utile pour quantifier les phénomènes, travailler sur les ZAN, la lutte contre les ilots de chaleur ou encore évaluer précisément l'impact de risques comme les inondations ou les feux de forêt. Ces données Lidar ont également révolutionné le secteur de l'archéologie.
Notre objectif est d'achever d'ici 2025 la couverture Lidar du territoire. Ce projet fait l'objet de partenariats avec des ministères mais aussi des collectivités qui cofinancent le programme (1). Les images Lidar, c'est aussi l'un des éléments clé du jumeau numérique sur lequel l'IGN travaille avec pour priorité de rendre interopérables les données qui le constituent.
Vous êtes sur le point de lancer cartes.gouv.fr, pouvez-vous en détailler les finalités ?
L'objectif de l'IGN est à la fois de produire la donnée mais aussi de la rendre accessible et lisible par des représentations cartographiques car la carte, c'est un outil de médiation qui permet de comprendre et de se positionner. Le projet cartes.gouv.fr a pour objectif de mettre à disposition des données, désormais en open data depuis 2021, de les valoriser et de fédérer la communauté de l'information géographique.
Les sites actuels, le Géoportail pour la diffusion de cartes et le site Geoservices pour les données, vont ainsi progressivement fusionner dans cartes.gouv.fr qui ouvrira avec toutes ses fonctionnalités au premier semestre 2024. Un site qui a vocation à mutualiser l'hébergement et mettre à disposition des données de référence y compris des bases très volumineuses comme le Lidar ou les Plans corps de rue simplifié (PCRS). Il va aussi permettre à tout producteur de données géographiques d'y publier ses données en autonomie. L'objectif est enfin de permettre à des communautés d'intérêt - par exemple les agents de ONF avec ceux d'un département - d'échanger autour de la donnée. Sur cette nouvelle infrastructure, nous avons notamment travaillé avec les géoplateformes régionales car l'objectif est de mutualiser ce qui peut l'être et d'éviter les redondances.
Parallèlement, nous proposons l'outil "Macarte.ign.fr" pour mettre la cartographie à la portée de tous et notamment des communes n'ayant pas de compétences en géomatique. Ce service a fait l'objet ces derniers mois d'un gros travail d'UX Design (2) et permet de créer des cartes thématiques, de croiser des données ou d'insérer des points d'intérêt pour son usage ou les diffuser sur son site internet. A terme, ce service sera aussi intégré à cartes.gouv.fr.
Où en êtes-vous des géocommuns ?
L'idée des géocommuns est de s'allier pour produire en commun certaines données ou services qui profiteraient à l'intérêt général. Les géocommuns imposent cependant d'adapter le modèle de production et de construction de la donnée en s'appuyant sur des contributions. Ils nécessitent la mise en place d'une gouvernance ad hoc afin de ne pas perdre en cohérence et de s'assurer de la pérennité du commun.
L'IGN a créé la "Fabrique des géocommuns" pour accueillir la mobilisation de communautés et accélérer la création de communs autour de la donnée géographique. C'est ainsi que nous travaillons avec OpenStreetMap pour créer un équivalent libre à Google Street View. C'est le projet Panoramax qui ambitionne de couvrir tout le territoire en vues immersives à la disposition de tous.
Mais on peut aussi parler de la Base adresse nationale qui mobilise aux côtés de l'IGN et de l’ANCT les communes – seules compétentes pour créer les adresses - et d'autres acteurs. Il y a enfin le référentiel national des bâtiments qui ambitionne de créer un identifiant unique pour chaque bâtiment et ainsi rendre interopérables les nombreuses bases de données métier intégrant des bâtiments. Nous avons des expérimentations en cours avec des collectivités pour le créer. C'est un sujet important qui impacte des dizaines de domaines, tels que le déploiement de la fibre optique ou encore la rénovation énergétique des bâtiments.
(1) Six territoires ont récemment rejoint le programme Lidar le 23 novembre 2023. Il s'agit de la région Grand Est, la région Pays de la Loire, la collectivité de Corse, le département de la Charente-Maritime, la plateforme DATA du département de la Vendée (Géo Vendée) et l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine (BRGM-ONF)
(2) Le travail de l'UX Designer consiste à concevoir une interface accessible et facile à prendre en main pour tout type de support
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