Un maillage très serré dans la Mitteleuropa et beaucoup plus clairsemé dans l'Hexagone. Publiées le 19 octobre, les nouvelles cartes du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) montrent clairement où l'UE a choisi de mettre le curseur. L'Allemagne s'illustre par la force de ses villes, puisque 13 d'entre elles figurent dans le réseau principal à réaliser pour 2030. L'Espagne s'est elle aussi démarquée grâce à la prédominance de 11 ports identifiés comme pôles de première importance.
La France, de son côté, affiche un bilan contrasté. Le pays est concerné par la moitié des corridors que la Commission européenne propose de financer en priorité. Ces grands tracés qui quadrillent l'Europe s'appuient sur les grandes villes, les ports et les aéroports, en misant sur la multimodalité (chemins de fer, voies navigables, desserte routière des ports…). En tant que point d'entrée du réseau, Le Havre est par exemple bien placé pour recevoir l'appui de l'UE : développement des voies navigables et création d'une ligne de TGV reliant la ville à Paris sont à l'agenda.
"C'est une bonne nouvelle pour le territoire", se réjouit l'eurodéputée socialiste Estelle Grelier, également à la tête de la communauté de communes de Fécamp. Créer une ligne de voyageurs supplémentaire reviendrait à libérer le sillon fret, car tous les trains circulent actuellement sur les mêmes infrastructures.

L'Etat attendu au tournant

Si certains projets sont bien identifiés par la Commission, l'allocation des fonds européens est loin d'être automatique. "Il appartiendra aux Etats membres de soumettre des propositions détaillées à la Commission", prévient Bruxelles. "On sait que l'UE ne pourra pas financer tous les projets, il faut donc que l'Etat porte ces dossiers", poursuit Estelle Grelier. Entre 2014 et 2020, la Commission européenne a chiffré à 237 milliards d'euros les besoins de financement des corridors et des systèmes informatiques de gestion du trafic (système Sesar pour le secteur aérien par exemple). Si le Parlement européen et les Etats l'acceptent, un fonds spécial de 31,7 milliards d'euros (dont 10 milliards proviennent du fonds de cohésion) sera mis au service du RTE-T. L'UE s'engage à cofinancer les travaux à hauteur de 20% du coût du projet, voire 40% s'il s'agit d'une infrastructure transfrontalière.
D'où l'importance, pour les régions, de convaincre les instances européennes du bien-fondé de leurs plans de desserte. Dans le sud de la France, les efforts ont payé. La liaison LGV entre Bordeaux et Toulouse figure par exemple dans le réseau central. "Je me félicite de cette décision", commente le président de Midi-Pyrénées Martin Malvy, qui a défendu le projet auprès des différents commissaires aux Transports (Jacques Barrot, Antonio Tajani et Siim Kallas, actuellement en fonction).
Le Sud-Est marque aussi un point. Alors qu'il ne figurait pas dans la liste des 30 projets prioritaires définis par la Commission européenne en 2004, le tronçon LGV reliant Marseille à l'Italie est finalement intégré dans le réseau principal. Ces derniers mois, des lettres d'eurodéputés et des prises de position de la région ont remis au goût du jour les atouts de l'arc méditerranéen. Les territoires s'étalant de l'Espagne à l'Italie comptent "parmi les principales concentrations de population, des activités et de flux logistiques en Europe", écrivait le conseil régional de Paca en septembre 2010. Or, chaque année, 18 millions de tonnes de marchandises continuent d'être acheminées vers l'Italie par l'autoroute A8. La stratégie consiste donc à faire plus de place au fret ferroviaire depuis la Côte d'Azur jusqu'au nord de l'Italie, tout en misant sur les autoroutes de la mer entre les grands ports du Sud (Marseille, Gênes, Barcelone, Toulon et Afrique du Nord)

La Bretagne et l'Auvergne oubliées

Pour d'autres territoires, l'heure est en revanche à la déception. "Si l'on regarde l'Ouest, que voit-on ? Seulement Nantes", déplore Alain Cadec, eurodéputé du PPE. La ville est parvenue à se glisser dans le réseau principal pour développer les liaisons ferroviaires avec Tours, alors que Brest est restée sur le carreau. Surpris des choix opérés par la Commission, pour qui "l'Atlantique s'arrête à l'axe Lisbonne-Bordeaux-Strasbourg", l'élu compte corriger le tir au cours des discussions du texte au Parlement.
Quant à la région Auvergne, le tracé de LGV ralliant Paris à Lyon ne passe pas par Clermont-Ferrand. Au lendemain de la publication des textes, les eurodéputés Brice Hortefeux et Jean-Pierre Audy ont été à la rencontre du commissaire Siim Kallas pour faire "la promotion de la Ligne TGV Grand Centre Auvergne". Un peu tard…

Marie Herbet / EurActiv.fr

Architecture, budget et priorités du réseau transeuropéen de transport

Le réseau comprend 83 ports, 37 aéroports, 15 000 km de rails TGV et 35 projets transfrontaliers.
Les 31,7 milliards d'euros du fonds de connexion seront destinés à hauteur de 80% aux corridors et aux autres projets figurant dans le réseau prioritaire, ainsi qu'aux systèmes informatiques de gestion du trafic aérien, routier, ferroviaire, fluvial.
Les 20% restants contribueront à d'autres infrastructures, comme les axes secondaires à finaliser d'ici 2050, également financés via les fonds régionaux (Feder, fonds de cohésion) et les crédits européens relevant de la politique européenne des transports. Une réserve de 2 milliards d'euros prise sur le fonds de connexion serviront aux emprunts obligataires (project bonds), qui pourront notamment financer les infrastructures routières.
En France, 7 villes ont été retenues dans le réseau prioritaire (Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nice et Toulouse), 4 aéroports (Lyon, Nice, Paris-Charles de Gaulle et Orly) et 6 ports (Bordeaux, Calais, Le Havre, Marseille, Nantes Saint-Nazaire et Rouen). Des projets de LGV inscrits dans les axes jugés moins urgents pourront profiter à d'autres villes (Poitiers-Limoges, Rennes-Le Mans, Caen-Paris par exemple).
 

M.H.


 

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