L'autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) a fait irruption il y a seulement quatre ans dans le paysage ferroviaire, mais son ancrage ne peut que s'affirmer, avec l'examen du projet de loi ferroviaire attendu d'ici l'été. Présentée en octobre par le gouvernement, la réforme passera en commission à l'Assemblée nationale en mai prochain, puis en séance en juin. Outre la refonte de la SNCF, qui sera déclinée en trois établissements distincts, le projet consiste également à renforcer les pouvoirs de l'Araf, à l'heure où la France est supposée mettre ses pendules à l'heure de la concurrence européenne, initialement envisagée en 2019 pour les liaisons nationales.
Députés, régions, gestionnaire d'infrastructures, entreprises concurrentes de la SNCF… Les avocats du gendarme du rail ont chacun une bonne raison d'attendre une action accrue de ce régulateur encore très jeune, dans un secteur pris entre deux eaux : endettement chronique et concurrence balbutiante.
"Dette délirante"
Conçue comme un garde-fou contre les distorsions de concurrence, l'Araf est appelée à peser davantage dans l'examen du financement, aujourd'hui pathogène, de la politique ferroviaire. "J'attends beaucoup du régulateur pour nous aider dans la dénonciation du système", réagit le président de RFF Jacques Rapoport, lors d'un colloque organisé par l'Araf le 26 mars.
A la tête depuis 15 mois d'un gestionnaire d'infrastructures plombé par une "dette délirante" de 33,7 milliards d'euros, lésé par un prix des péages jugé trop faible, il résume ce qu'est devenu RFF : "Une structure de défaisance de la totalité des acteurs : la SNCF, qui affiche des bénéfices alors que le réseau dont elle est utilisatrice à 95% perd de l'argent, les entreprises de fret, et l'Etat, qui passe son temps à diminuer année après année son concours au réseau."
L'examen du projet de loi ferroviaire sera justement l'occasion de revenir sur les pouvoirs de l'Araf. Le rapporteur socialiste, Gilles Savary, compte rétablir l'avis conforme du régulateur sur les tarifs des péages, (un enjeu abordé par le rapport Auxiette), afin que SNCF réseau ne dévie pas des conclusions rendues par le régulateur. Le ministre délégué aux Transports Frédéric Cuvillier a déjà fait savoir qu'il n'y était pas opposé.
Il est également question de renforcer le rôle de l'Araf sur d'autres volets, comme l'accès équitable des futurs concurrents à toute une série de "fonctions essentielles", historiquement placées dans le giron de la SNCF : centres de maintenance, de formation, stations-service, etc.
Rempart contre les pressions politiques
Plus sensible encore, l'enjeu de l'aménagement de nouvelles lignes à grande vitesse. Là encore, l'Araf est perçue comme un futur rempart contre la gabegie ou les pressions politiques des élus locaux. Il faut arrêter "de faire plaisir de manière non rationnelle, non étudiée", s'agace Gilles Savary. Le député PS de la Gironde, rapporteur du projet de loi sur la réforme ferroviaire à l'Assemblée nationale, s'étonne de l'impossibilité d'imaginer des LGV à moins de 300 km/heure, ce qui ferait diminuer les coûts. En clair, l'Araf doit canaliser "les démons clientélistes", lâche-t-il.
Une fois la réforme en place, le régulateur devra donner son avis sur le contrat signé entre SNCF réseau et l'Etat, pour limiter la fuite en avant des coûts. Mais le scepticisme règne sur les gains générés par la future holding. Jacques Rapoport s'engage sur "10% de productivité en 5 ans" et la SNCF attend beaucoup des économies liées à la mutualisation de certaines activités (système d'information, services d'achat, ressources humaines).
"Je n'y crois pas du tout", objecte Dominique Bussereau. Selon l'ex-ministre des Transports, aujourd'hui député UMP de Charente-Maritime, l'assainissement passe aussi par les régions, organisatrices des TER. Il faut qu'elles "connaissent les coûts, choisissent les dessertes et mettent des cars plutôt que des TER vides" aux heures creuses.
La fonction de lanceur d'alerte financier qui reviendra à l'Araf sera un test autant pour la politique ferroviaire que pour le régulateur lui-même, car son expertise sera mise à rude épreuve. "Je plains Pierre Cardo (président de l'Araf, ndlr) quant à la tâche qui l'attend", ironise l'avocat d'affaires Georges Berlioz.
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