L'important travail de lobbying mené par les associations d'élus depuis des mois aura porté ses fruits. C'est une directive postale sérieusement remaniée que les députés européens devraient voter lors de la session plénière du 9 au 12 juillet. Au préalable, la commission Transports du Parlement, qui statue sur le fond, doit examiner lundi 18 juin une série d'amendements visant notamment à décaler l'entrée en vigueur du texte et donc à repousser la libéralisation de la distribution du courrier.
Procédure de codécision oblige, la directive doit parallèlement être adoptée par le Conseil. La présidence allemande qui voulait aller vite sur ce dossier avant son passage de témoin au Portugal le 1er juillet n'est pas parvenu à un compromis. Lors de la rencontre des ministres européens des télécommunications à Luxembourg le 6 juin, la France a rassemblé une minorité de blocage autour d'une dizaine d'Etats parmi lesquels l'Italie, l'Espagne, le Grèce, la Hongrie et la Pologne pour exiger des garde-fous. Les Etats membres restent très divisés sur le calendrier à suivre. La directive adoptée par Bruxelles en octobre 2006 constitue l'acte ultime d'un processus engagé depuis dix ans. Elle prévoit de lever les derniers obstacles à la libéralisation totale de la distribution du courrier d'ici au 1er janvier 2009, mettant ainsi fin au monopole sur les petits courriers, ceux de moins de 50 grammes. Un enjeu de taille puisque le courrier représente les deux tiers des 88 milliards de chiffres d'affaire du secteur en Europe !
Une libéralisation en ordre dispersé
Nombreux sont ceux qui jugent la date de 2009 prématurée. C'est le cas de la Maison européenne des pouvoirs locaux français qui s'est félicitée, mercredi 13 juin, des derniers amendements déposés. Elle rejoint ainsi la position du Comité des régions qui, dans un avis du 6 juin, a demandé à la Commission européenne de décaler la libéralisation de 2009 à 2012. A l'opposé, certains pays comme la Suède, la Finlande et la Grande-Bretagne ont déjà totalement ouvert leur marché et devraient être suivis dès 2008 par l'Allemagne et les Pays-Bas, avec ou sans directive. La libéralisation pourrait donc intervenir en ordre dispersé.
Pour les élus français, regroupés au sein de la Maison des pouvoirs locaux, l'un des problèmes tient à l'étude d'impact globale réalisée par Bruxelles en préalable à l'élaboration de son texte. Cette étude n'a pas assez tenu compte des disparités nationales alors que certains pays à forte densité comme les Pays-Bas n'ont pas les mêmes contraintes d'aménagement du territoire que la France, jugent-ils. Selon eux, le report permettrait à la Commission de "présenter une étude évaluant l'efficience et l'efficacité des méthodes de financement proposées ainsi que l'adéquation du champ du service universel aux besoins des usagers".
Financement du service postal universel
L'autre cheval de bataille des élus a trait au "service postal universel". Sorte de contrepartie à l'ouverture à la concurrence, celui-ci consiste à assurer au moins une collecte et une distribution quotidienne, cinq jours sur sept, à un "prix abordable" sur l'ensemble territoire. Mais la question de son financement n'a toujours pas été tranchée. En France, le surcoût lié à la distribution dans les endroits les plus reculés du territoire était compensé jusque-là par un système de péréquation tarifaire mis en place par La Poste encore en situation de monopole. Avec l'ouverture du marché, les opérateurs historiques devront aligner leurs prix sur ceux des nouveaux concurrents et auront à supporter ce manque à gagner. Chaque Etat membre devrait avoir le libre choix entre trois solutions : la création d'un fonds de compensation, la mise à contribution des collectivités ou encore un système dit de "pay or play" obligeant les nouveaux opérateurs ne remplissant pas d'obligation d'aménagement du territoire à acquitter une sorte de redevance. Les collectivités demandent l'instauration de règles communes pour le calcul du coût du service universel. Un message entendu par la Commission européenne qui vient de s'engager à établir des lignes directrices d'ici au mois de septembre. Un délai jugé très court.
Michel Tendil
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