Après l'Assemblée nationale le 22 janvier 2015, c'est au tour du Sénat, le 3 mars 2015, de voter le projet de loi portant sur la ratification de la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux agences d'emploi privées. Cette convention autorise la création et les activités de ces agences et régule leur intervention. Elle a déjà été ratifiée par vingt-sept pays dont douze Etats membres de l'Union européenne. En France, le droit est déjà conforme aux exigences de la convention. La loi du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale a permis la création de ce type d'agences et a mis fin au monopole de placement de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), devenue entre-temps Pôle emploi. La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, a quant à elle supprimé les restrictions à la création de ces agences d'emploi privées. Le texte de l'OIT vise surtout à réguler l'intervention des agences en rappelant les droits fondamentaux des travailleurs : liberté syndicale, salaire minimum, conditions de travail, accès à la formation, gratuité du service public de l'emploi, égalité des chances et de traitement dans l'accès à l'emploi, protection des données personnelles. "La convention prend acte de la reconnaissance de ces droits dans de nombreux pays et pose un cadre régulateur, conformément à la mission de l'OIT, a expliqué Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux Sports, lors des discussions au Sénat, le 3 mars. Ratifier cette convention ne modifiera donc pas notre droit mais réaffirmera notre attachement à ces principes."
Décret de ratification
Mais des questions persistent quant à l'efficacité de ces agences et au risque de libéraliser le marché du placement des demandeurs d'emploi. "Bien qu'encadrée, l'activité des agences privées peut être mise en cause pour sa qualité ; nous devons avoir un véritable débat sur ces questions", a ainsi affirmé Dominique Watrin, sénateur communiste du Pas-de-Calais, précisant qu'en 2005, les dangers de la libéralisation de la recherche d'emploi avaient déjà été mis en avant. "Souhaitez-vous désormais encourager l'intervention directe des agences privées ? , a-t-il questionné, c'est d'autant plus incompréhensible que nous avons le recul suffisant pour constater que les résultats sont loin d'être satisfaisants."
Dans une étude publiée en juillet 2014, la Cour des comptes a ainsi pointé du doigt les dysfonctionnements du suivi des demandeurs d'emploi qui sont confiés à ces agences (mauvaise gestion du système, sélection d'opérateurs par les prix, manque de souplesse administrative de Pôle emploi lors des procédures de transferts de dossiers aux opérateurs…) tout en insistant sur la nécessité pour Pôle emploi de continuer à travailler avec les acteurs privés. Les premiers résultats du suivi des demandeurs d'emploi par ces opérateurs privés ne sont pas très convaincants : 38% des demandeurs d'emploi suivis par les agences privées entre septembre 2009 et juin 2011 ont trouvé un emploi, contre 43% pour Pôle emploi.
"Cette convention ne libéralise pas le service public de l'emploi", a assuré Thierry Braillard en réponse à ces interrogations, signalant au passage que la convention avait fait l'objet d'une consultation auprès des partenaires sociaux en janvier 2011 et janvier 2015, et qu'ils y sont favorables. "Les agences privées ont vocation à seconder Pôle emploi qui se concentrera sur le suivi des demandeurs d'emploi qui en ont le plus besoin, a-t-il précisé, le cahier des charges est partagé et le principe de gratuité est protégé."
Après le vote du Parlement, un décret du président de la République ratifiera définitivement la convention.
Emilie Zapalski
Référence : projet de loi autorisant la ratification de la convention n°181 de l'Organisation internationale du travail relative aux agences d'emploi privées.
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