Luc Carvounas, sénateur-maire PS d'Alfortville (Val-de-Marne), dont le nom circulait pour remplacer le secrétaire d'Etat chargé du tourisme Matthias Fekl, avait formulé, dans un essai de 97 pages, des propositions visant à "remettre en perspective les grands enjeux qui se présentent aux pouvoirs publics face aux transformations que connaît la première industrie française, et de dégager des pistes pour nous adapter encore plus efficacement" en adoptant "une position de gauche et nationale sur le tourisme". L'essai a été édité le 3 février par la fondation Jean-Jaurès, et son titre - "Destination(s) France, pour un tourisme à l'offensive" - était en lui-même tout un programme (sinon une longue lettre de motivation), venant de celui qui en tant que "parlementaire et maire" dit s'être "battu depuis plusieurs années pour que l'industrie du tourisme trouve sa juste place dans notre pays et que nos politiques publiques lui réservent toute l'attention qu'elle mérite" (voir par exemple nos articles ci-contre des 9 et 14 octobre 2013 et du 2 juillet 2014).
Une politique actuelle "concentrée essentiellement vers la promotion internationale"
Matthias Fekl, qui conserve le portefeuille Promotion du tourisme, Commerce extérieur et Français de l'étranger, pourrait s'en inspirer. Ce serait toutefois un changement de cap, du moins concernant la politique publique actuelle en faveur du tourisme, "concentrée essentiellement vers la promotion internationale", comme le souligne à juste titre Luc Carvounas dans son essai.
Il estime quant à lui qu'il faudrait "affirmer la pertinence de l'intervention publique, en particulier territoriale", en la "redéfinissant" et en "prenant en compte l'attente à son égard des visiteurs et des socio-professionnels". Il milite également pour "défendre la notion de destination au détriment de celle de territoire afin de renforcer la logique de développement économique et non celle d'aménagement du territoire", ce qui, pour le coup, est en total accord avec la politique menée jusque-là.
Pour une stratégie de développement touristique "auprès des Français"
Luc Carvounas propose plus précisément une "stratégie de développement touristique des 'destinations France'" auprès des Français, qui répondrait à un triple objectif. Objectif économique, "pour que nos destinations profitent au maximum des opportunités offertes par le développement touristique de leurs collectivités". Objectif social, "car seuls 60% des Français déclarent partir en vacances en 2015". Objectif écologique, "car le tourisme des clientèles de proximité a un impact bien plus limité sur l'environnement que celui des clientèles lointaines (par le transport principalement)". Et pour y arriver, il faut enclencher une "impulsion visant à structurer, diversifier et promouvoir davantage nos destinations France".
Ce ne pourrait pas être la mission d'Atout France qui "de par ses statuts spécifiques, n'est pas en situation de promouvoir les destinations France en direction de nos compatriotes". Et les fédérations actuelles, "représentations des outils institutionnels de promotion (OT, CDT, CRT)", ne bénéficieraient pas d'une "notoriété et d'une légitimité suffisantes".
Une association nationale pour la promotion touristique
D'où son idée de constituer une association nationale qui réunirait "des élus représentatifs de l'ensemble des territoires – ville, campagne, mer, montagne – et des différents mouvements démocratiques". Elle aurait trois objectifs principaux : "préciser ou définir la notion d'intervention publique dans le secteur du tourisme" ; "élaborer une stratégie marketing touristique pour la France à partir de ses destinations et non selon une vision centralisée" ; "débattre et/ou relayer avec les divers acteurs privés du secteur". A terme, la structure pourrait " venir compléter un organisme public, en jouant le rôle d'une véritable commission sur la stratégie et la prospective, aux côtés de l'industrie réceptive du tourisme en France".
Après avoir dressé ce qu'il appelle lui-même un "inventaire à la Prévert des compétences des collectivités locales et de leurs outils", Luc Carvounas en déduit qu'il s'agit davantage d'une "confusion des compétences". Cela le confirme dans l'idée que "seul un outil ou une structure publique garant de l'intérêt général peut rassembler les différents acteurs privés et publics de la destination et assurer la cohérence entre la promesse et le produit". Mais "à la condition que les professionnels (en particulier privés) disposent d'un réel pouvoir quant à la stratégie développée par cette structure".
Quoi qu'il en soit "c'est au niveau intercommunal ou métropolitain que se situe le plus fréquemment cette notion de destination", même s'il reconnait que "quelques territoires départementaux ou régionaux correspondent également à des marques de destination".
Une taxe de séjour obligatoire, dont le produit reviendrait aux offices de tourisme
La mesure choc de Luc Carvounas porte sur l'idée de rendre la taxe de séjour obligatoire (elle est aujourd'hui optionnelle et "dépend de la décision de la collectivité communale, intercommunale ou départementale", rappelle-t-il dans son ouvrage). Et surtout, il suggère d'en affecter l'intégralité du produit aux offices de tourisme locaux.
"La taxe de séjour devrait aujourd'hui être intégralement consacrée à la conservation et au développement de tout ce qui participe de l'amélioration de l'offre touristique, afin de favoriser la fréquentation de la destination. Ainsi elle pourrait être intégralement reversée à l'office de tourisme créé par la collectivité", écrit le sénateur. Selon la Direction générale des entreprises (DGE), 6.000 communes pourraient être concernées par l'application de la taxe de séjour alors que seules 2.500 la mettent en place à l'heure actuelle, touchant environ 200 millions d'euros par an. Une somme qui "n'est nullement perdue par les collectivités" mais qui ne serait pas intégralement fléché vers des dépenses touristiques. Luc Carvounas soupçonne qu'elle constitue en partie "une variable d'ajustement pour ces collectivités".
A signaler enfin la proposition de mettre en place une "contribution spécifique aux sociétés d'autoroutes", alors que les retombées du tourisme se sont élevées pour elles à 3,5 milliards d'euros en 2013, selon les estimations de Bercy. Cette taxe servirait à financer des opérations de promotion de l'économie touristique: mieux faire connaître les destinations traversées par les autoroutes, améliorer les services proposés sur les aires d'accueil, rénover les signalisations par exemple. Car, "bien plus que de simples voies de circulation, les autoroutes sont aussi une invitation à la découverte de nos régions et de notre patrimoine".
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