Comme pour le Grenelle de l'environnement, chacun des groupes du Grenelle de la mer était composé d'élus, d'experts, de représentants de l'Etat, des syndicats, du patronat et d'associations de protection de l'environnement.
Fruit de 8.000 heures de travail, les propositions contenues dans les rapports remis ce 9 juin sont "le début d'un processus", comme l'a rappelé Jean-Louis Borloo. Elles vont maintenant servir à alimenter dix-huit débats en régions (dont sept outre-mer) qui vont se dérouler du 11 au 24 juin et s'organiser partout en deux temps : un atelier réservé aux acteurs locaux représentant les cinq collèges habituels du Grenelle qui pourront élaborer de nouvelles propositions et une réunion plénière ouverte au public. Dans le même temps, une consultation grand public est organisée sur internet. Une table-ronde finale devrait ensuite se tenir début juillet et déboucher sur des engagements précis.
Créer une trame bleu marine
Plusieurs centaines de propositions sont contenues dans les rapports des groupes de travail. Un grand nombre d'entre elles concernent directement ou indirectement les collectivités et réservent une large place à l'outre-mer.
Le groupe n°1 chargé de plancher sur "la délicate rencontre entre la terre et la mer" préconise ainsi une nouvelle gouvernance pour dessiner "une vision intégrée de la mer et du littoral allant d'estuaire en estuaire et de la montagne au large en mer". Il recommande la création d'un conseil national de bassin hydrographique du littoral et de la mer (Baylimer) chargé de déterminer une stratégie nationale en la matière, en s'appuyant sur des conférences "Baylimer" créées au niveau de chaque bassin. Pour protéger la biodiversité, les espaces naturels et les paysages, il suggère de dessiner une "trame bleu marine" en étendant la trame verte et bleue au littoral et à la mer et en reliant les estuaires les uns aux autres. Autre proposition : élaborer un plan d'action national sur l'estran, "lieu symbolique de l'interface terre-mer" comprenant le lancement par le Conservatoire du littoral en 2010 d'opérations pilotes de gestion écologique des estrans et des plages.
Concernant la pollution des eaux marines, le groupe de travail propose d'identifier d'ici à 2012 les sources de pollutions et de définir en 2014 le plan de mesures à prendre pour le maintien et le rétablissement du bon état écologique des eaux à atteindre en 2020. Dans ce cadre, "un système d'assainissement - et si possible performant - dans l'ensemble du bassin versant est une condition préalable au bon état des eaux littorales", souligne le rapport du groupe n°1. Au chapitre de la prévention des risques, celui-ci insiste aussi sur la nécessité pour l'Etat et les collectivités de définir des stratégies de gestion des risques naturels côtiers (érosion, submersion, tsunami), de renforcer l'application des mesures de prévention et de lutte contre les pollutions chroniques ou accidentelles sur la totalité des bassins versants et d'accélérer l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques des établissements Seveso seuil haut ( présentant le plus fort potentiel de risques) du littoral.
Maîtriser l'urbanisation
Autre mesure jugée urgente : le lancement dès 2009 au plan national d'un diagnostic inventaire des espaces encore peu artificialisés, des espaces ouverts à l'urbanisation sur l'ensemble du littoral, des espaces à considérer comme remarquables et des zones impactées par l'érosion côtière. En matière d'aménagement, le groupe de travail ne juge pas utile de créer de nouveaux outils réglementaires mais d'organiser leur "application coordonnée entre les collectivités territoriales et l'Etat au regard des enjeux d'aménagement durable et de protection des écosystèmes marin et littoral" et d'exploiter durablement les ressources de la loi Littoral. Il préconise de couvrir tous les territoires des régions littorales par des Scot et des PLU à l'horizon 2015-2020. Pour maîtriser l'urbanisation, il propose de remettre en valeur la notion de capacité d'accueil des espaces prévue par la loi Littoral. Plus aucun aménagement ne devra être réalisé sans anticipation des risques naturels et du changement climatique, insiste le rapport. Ces risques devront donc être pris en compte dans les documents de planification actuels (DTA, Scot, PLU, etc.). Autres propositions du groupe : ancrer le développement de l'énergie renouvelable en respectant les milieux, organiser une filière de démantèlement et de recyclage des navires et inscrire les activités d'extraction "dans une vision durable et respectueuse de l'environnement marin et littoral.
Le groupe n°2, qui avait pour thème de travail "Entre menaces et potentiels, une mer fragile et promesse d'avenir", a débouché sur 150 propositions. Parmi celles-ci, il préconise de définir une stratégie nationale de toutes les filières d'énergies renouvelables et de développer un grand programme de recherche sur les "navires du futur" qui doivent être "économes, opérationnels, sûrs et propres". Il propose aussi d'améliorer les infrastructures portuaires existantes pour un meilleur respect environnemental : développer la notion de port urbain en associant les collectivités locales et leurs groupements à la prise de décision, notamment en matière d'urbanisme, innover sur le volet énergétique dans le cadre des engagements du Grenelle de l'environnement, intégrer les ports de plaisance dans une démarche environnementale, notamment paysagère. Dans un contexte de rareté du foncier et de contraintes littorales croissantes, il suggère même de concevoir des ports de commerce "off shore". Il insiste aussi sur la nécessité d'assurer la réussite des autoroutes de la mer. Le groupe souhaite également aller au-delà des engagements du Grenelle pour les aires marines protégées.
Une "Agence nationale de l'archipel France"
Le groupe de travail n°3, qui avait pour thème "Partager la passion de la mer", a plaidé pour la reconnaissance d'un nouveau concept, "l'archipel France" visant à mettre en valeur les "synergies entre la Terre et l'Océan" et à "faire prendre conscience à tous nos concitoyens que la mer est au coeur géographique de notre pays". C'est autour de cette notion que pourrait être définie "une grande stratégie maritime de développement durable (...) créatrice d'emplois". L'outil destiné à coordonner ces enjeux, à faire des propositions et en assurer le suivi serait l'"Agence nationale de l'archipel France", conçu comme un réseau de réseaux présent dans tous les territoires. Une "délégation interministérielle pour la culture maritime" serait de son côté chargée de couvrir les différents champs des relations entre mer, culture et éducation.
Enfin, le groupe de travail n°4, "Planète mer : inventer de nouvelles régulations", a notamment élaboré dix propositions pour donner à l'outre-mer "les moyens d'être au centre de la gestion de son espace maritime". Il propose ainsi d'instituer une "double subsidiarité" en faisant reconnaître au niveau européen et international le statut spécifique de "bassin maritime transfrontalier" pour les territoires français d'outre-mer. Quatre bassins expérimentaux pourraient être créés - Caraïbes, Pacifique, Océan indien, Atlantique nord (Saint-Pierre-et-Miquelon) ainsi que des pôles d'expertise dans chaque océan. Pour désenclaver les régions ultramarines, le rapport propose de développer le transport par mer et la coopération régionale. Il insiste également sur la nécessité de renforcer les moyens de la recherche sur place.
Anne Lenormand
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