Les entreprises d'insertion présentent une moindre productivité du travail par salarié que les entreprises de droit commun, avec des écarts de 16% pour la réparation d'ordinateurs et de biens personnels ou domestiques à 67% pour les transports. C'est ce qu'indique l'étude de la Dares publiée le 31 janvier 2019. Contrairement aux études habituelles, qui portent sur les effets du dispositif sur les salariés en termes d'insertion professionnelle, la Dares s'est ainsi intéressée à la productivité et à la performance économique de ces entreprises comparées aux autres. Seules les entreprises d'insertion ayant le statut de société commerciale (EISC) ont toutefois été prises en compte dans l'étude, car elles sont assez semblables à des entreprises de droit commun en termes d'exigences économiques.
Les résultats de la Dares tiennent compte des aides financières que les entreprises d'insertion perçoivent de la part de l'État, étant donné leur activité particulière d'accompagnement de publics très éloignés de l'emploi. "Hormis pour le secteur de la réparation d’ordinateurs et de biens personnels ou domestiques, les subventions reçues ne compensent que partiellement l’écart de productivité : celle-ci reste inférieure de 20% à 40% dans les entreprises d'insertion par rapport à celle des entreprises de droit commun dans la plupart des secteurs", indique l'étude, précisant que cet écart n'a évolué que de façon marginale depuis 2009, et reste significatif, même si on inclut les aides perçues. Celles-ci se composent essentiellement de l'"aide au poste" cofinancée par l'État et par le fonds social européen, pour un montant socle de 10.000 euros. Les collectivités apportent un complément.
L'objectif social prime sur la rentabilité
Pour la Dares, ces résultats s'expliquent par le profil des salariés en insertion "dont les compétences sont souvent érodées par de longues années d'inactivité", et par l'emploi par ces structures de salariés dont l'activité, totale ou partielle, correspond à l'accompagnement de ces salariés en insertion. Car les indicateurs de productivité sont calculés sur toute l'entreprise, incluant ces travailleurs sociaux.
Côté performance économique, le constat est le même : les taux de marge et de rentabilité des entreprises d'insertion sont plus souvent négatifs que les entreprises de droit commun. Et ce quel que soit le secteur d'activité, la taille des entreprises ou la zone économique dans laquelle ces entreprises interviennent (défavorisée ou non). Ainsi, "les chances d’avoir un taux de marge négatif sont en moyenne plus élevées de 13 points pour une entreprise d'insertion que pour une entreprise de droit commun du même secteur et de taille similaire", précise le document. Les écarts vont de 25% dans le secteur des autres services à 55% dans le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques. Pour la Dares, "il est possible que les entreprises d'insertion cherchent avant tout à rester viables économiquement, mais pas à maximiser leur rentabilité, cet objectif paraissant secondaire par rapport à l'objectif social".
"Le financement public ne couvre pas la mission sociale des entreprises, souligne Olivier Dupuis, secrétaire général de la Fédération des entreprises d'insertion. Cela apporte de l'eau à notre moulin." La fédération est en cours de concertation avec le gouvernement dans le cadre du plan Pauvreté, lancé en septembre 2018. Objectif : la création de 100.000 postes supplémentaires dans le secteur de l'insertion par l'activité économique d'ici 2022, l'État s'engageant à financer 5.000 équivalent temps plein par an pour ces entreprises. "Avec l'étude de la Dares, et avant elle le rapport Borello et le rapport de la Cour des comptes, nous sommes bien servis", se félicite Olivier Dupuis. Le rapport de la Cour des comptes, publié le 15 janvier, a en effet souligné les bons résultats du secteur de l'insertion par l'activité économique et demandé à "conforter" le dispositif.
Mais d'après la Fédération des entreprises d'insertion, l'étude ne prend pas suffisamment en compte les changements qui ont lieu au sein de ces entreprises. Une fois formés et devenus plus productifs, les salariés en insertion partent vers de nouveaux horizons. "Il y a une perte permanente de productivité", indique ainsi Olivier Dupuis, qui précise aussi qu'il y a souvent un chevauchement de plusieurs semaines entre les personnes qui arrivent et celles qui s'en vont.
La Dares soulève d'autres questions : quelles conséquences ces moindres performances ont-elles sur la survie des entreprises d'insertion, leur capacité à maintenir leurs marchés ou à en conquérir de nouveaux ? Comment restent-elles compétitives ?
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56rXajCo8LEp6uip56oeq%2BxjJymrq6imru1ec%2BaqmaklWLAtr7CqKytZaOksKqty2abnqtdmru1vsSpqaKrlah6pbXNrJyrrJmkuw%3D%3D