Un récent jugement du tribunal de grande instance d'Avignon apporte un éclairage intéressant sur le droit de cession des images incorporées à une autre œuvre. L'affaire concerne en l'occurrence la ville d'Avignon. De façon quasi-naturelle, celle-ci utilise pour son logo, depuis plus de dix ans, l'image du célébrissime pont Saint-Bénezet, qui est à la cité de papes ce que la tour Eiffel est à la capitale. La mairie aurait pu alors faire réaliser, par son service communication, une photo du pont comme il en existe des milliers. Mais elle a préféré une image plus originale, qui venait d'être utilisée pour illustrer une affiche destinée à présenter l'opération "Avignon capitale de la culture 2000". Réalisé par un photographe professionnel, ce cliché présente l'originalité d'avoir été retravaillé sur informatique. Tout en restant parfaitement reconnaissable, le pont Saint-Bénezet est en effet déformé et considérablement allongé, au point que le pont semble ne plus posséder qu'une seule arche. A l'époque, l'utilisation de cette photo avait bien fait l'objet d'un contrat de cession de droits entre le photographe et l'agence de communication retenue pour réaliser l'affiche. Mais le contrat visait alors uniquement la réalisation de cette dernière. Tirant parti du fait que le contrat de cession de droits ne comporte pas de mention de durée, la ville, séduite par l'originalité de l'image, choisit d'en faire son logo, en y ajoutant simplement le mot "Avignon" - lui-même étiré - au-dessus du pont (lien ci-contre pour voir le logo).
Constatant l'utilisation généralisée de sa photo, l'intéressé saisit le tribunal de grande instance (TGI) pour remettre en cause la cession de droits. Mais le TGI le déboute sur ce point. En revanche, il convient que la photo constitue bien une œuvre, au sens du Code de la propriété intellectuelle. Il écarte ainsi les arguments de la ville, qui faisait valoir l'absence d'originalité de la photo, de nombreux photographes se livrant désormais au jeu de la déformation. Cette position est d'autant plus intéressante que le tirage initial a disparu. Mais le tribunal considère surtout qu'en incorporant ainsi, sans l'autorisation de son auteur, l'œuvre à un logo, la ville d'Avignon l'a modifiée et dénaturée.
Conséquence : le TGI condamne la ville à 30.000 euros de dommages et intérêts, mais aussi à 100 euros d'astreinte pour chaque jour d'utilisation du logo au-delà d'une période de six mois. La ville ayant décidé de faire appel, Avignon peut néanmoins continuer d'utiliser son logo. Mais, dans l'hypothèse - vraisemblable - d'une confirmation du jugement en appel, le coût pour la ville risque d'être nettement supérieur à celui des dommages et intérêts, avec la nécessité de modifier l'ensemble de la signalétique, de la papeterie et des marquages de véhicules...
 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

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