"L'enjeu de ce projet de loi n'est pas, comme je l'ai lu, d'ouvrir un champ clos aux rivalités de nos associations d'élus. L'enjeu de ce texte n'est pas de permettre aux différents niveaux de collectivités de se disputer des compétences et d'élargir leur champ d'action aux dépens des autres : les compétences locales ne sont pas des trophées." Ce petit rappel des règles du jeu est signé Marylise Lebranchu. La ministre en charge de la décentralisation s'exprimait ce jeudi 30 mai au Sénat en ouverture des débats sur le projet de loi de modernisation de l'action publique, évoquant ainsi ce que d'autres ont pu dire en des termes plus directs. "Les lobbies des associations d'élus ont cherché la surenchère", estimait par exemple la veille le sénateur René Vandierendonck, rapporteur du texte.
Ce prologue a naturellement été l'occasion pour la ministre de réexpliquer les objectifs et enjeux de la réforme. "Il ne s'agit pas de transférer de nouveaux équipements, de nouveaux personnels, toujours plus nombreux, mais bel et bien de repenser, redéfinir et simplifier l'intervention publique dans le sens de la lisibilité, de l'efficacité et de l'efficience", de "mettre en cohérence les missions de l'Etat avec les compétences des collectivités", a-t-elle résumé. L'occasion, aussi, de se placer du côté des élus locaux, par exemple en déclarant que ce texte permet de "rappeler avec force que les discours de défiance à l'égard des élus n'ont pas de sens et ne sont pas acceptables".
Surtout, Marylise Lebranchu a confirmé que le gouvernement se montrerait à l'écoute du point de vue des sénateurs tel qu'il s'est exprimé en commission des lois. René Vandierendonck et le président de la commission, Jean-Pierre Sueur, l'ont d'ailleurs reconnu mercredi... et la lecture des amendements du gouvernement confirme que sur plusieurs points du texte, des compromis sont envisageables (voir ci-contre notre article du 29 mai). "Le gouvernement a fait le choix de la clarification. J'ai entendu vos doutes sur les moyens d'y parvenir et je souhaite en discuter avec vous", a ainsi déclaré la ministre.

"Le pacte de gouvernance est un outil évolutif"

Assurant que le "pacte de gouvernance territoriale" que la commission a rayé d'un trait s'inspirait des propositions de la délégation sénatoriale aux collectivités (notamment celles du rapport d'Edmond Hervé de 2011) quant à "la priorité de la relation contractuelle entre l'Etat et les collectivités", Marylise Lebranchu propose aux élus "d'en discuter, avec un amendement qui n'est pas exactement le rétablissement de notre proposition d'origine, et qui rencontrera je l'espère, une adhésion de votre part" (un amendement prévoit en effet de réintroduire le pacte, mais dans une version "simplifiée"). "C'est vrai, nous ne sommes pas parvenus à vous convaincre que le pacte de gouvernance est un outil évolutif, qui permettra d'adapter nos territoires aux changements du monde, aux changements technologiques, sans que chaque fois, il soit nécessaire de rediscuter une loi qui bouleverse les équilibres du Code général des collectivités territoriales", a-t-elle regretté.
Enfin, on notera que Marylise Lebranchu a confirmé l'arrivée programmée à l'Assemblée en juillet (précisément les 4 et 18 juillet) des deux propositions de loi sénatoriales Gourault-Sueur, l'une sur les normes, l'autre sur le statut de l'élu. Deux textes dont René Vandierendonck avait souligné l'importance mercredi devant la presse, insistant sur le fait que ces deux sujets correspondaient bien aux deux priorités exprimées lors des Etats généraux des élus locaux.

Un sort très incertain

Parmi les sénateurs, le ton a été donné jeudi dès l'ouverture de la séance par des rappels au règlement protestant contre le saucissonnage de la réforme en trois textes ou contre l'organisation du débat un jeudi alors que beaucoup de sénateurs ont déjà regagné leur territoire. L'hémicycle était d'ailleurs plutôt dégarni.
"Parlons vrai. C'est un embrouillamini où l'on ne comprendra plus rien. Nous avons rédigé un nouveau texte" car "nous voulons la clarté et la séparation des pouvoirs ", a redit Jean-Pierre Sueur. "Le monde rural est le grand absent de ce texte", a déploré Jean-Jacques Filleul (PS), tandis qu'Hélène Lipietz (EELV) considérait que la réforme consiste à "rapiécer une structure usée vieille au mieux de 40 ans, au pire de 200 ans". "Votre projet prépare la fusion des communes et des départements par le transfert programmé de l'essentiel de leurs compétences à des structures administratives éloignées des citoyens, véritables monstres technocratiques", a pour sa part critiqué Christian Favier (CRC, communistes). Celui-ci a même fait savoir que son groupe déposerait une motion de renvoi en commission.
Le sort du texte à l'issue du débat est donc particulièrement incertain, aucun groupe n'étant complètement satisfait et nombre d'élus se réservant de ne pas le voter si leurs propositions n'étaient pas prises en compte.
Pendant ce temps, six sénateurs des Bouches-du-Rhône manifestaient devant le Sénat, avec d'autres élus de leur département, contre la création de la métropole Aix-Marseille-Provence. En début d'après-midi, quelque 200 agents de la fonction publique territoriale étaient eux aussi venus protester contre le projet de loi, à l'appel de la CGT, FO et la FAFPT. Au nom de la CGT, Baptiste Talbot a expliqué que les agents avaient eu le sentiment de ne pas avoir été consultés, appelant le gouvernement à "revoir sa copie". Selon lui, "il est clairement dit dans le projet que le but, c'est de faire des économies, ce qui va forcément se faire au détriment de l'emploi et des services publics".

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