
Captaincontrat, Predictice, Doctrine, Hyperlex, Call A Lawyer, ou encore legalstart.fr : le secteur comporte de belles marques mais pas encore une strate de champions susceptibles d’entraîner une dynamique, à la fois modèle et business angel. Une structuration de l’écosystème est essentielle pour accompagner l’émergence de scale up, centaure ou autre licorne. Ainsi le tour de table le plus important dans ce secteur en 2021, celui de Yousign, ne représente que 5,1% du tour de table le plus important de l'année réalisée par une start-up. Et aucune série B n’a encore été recensée.
Des freins endogènes à une structuration du marché
Une autre spécificité tient à la typologie des investisseurs. « Contrairement au reste de la French Tech, la LegalTech ne dispose pas de serial entrepreneurs susceptibles de devenir des business angels apporteurs de smart money » souligne Gaëlle Marraud des Grottes. En effet, dans la tech, il est fréquent qu’un investisseur en plus des capitaux apporte son expertise, son réseau, son expérience, et sa vision. Or ce type de tuteurs est quasi absent dans la LegalTech, ce qui est un nouveau frein au développement des jeunes pousses et donc à la structuration du marché.
Pas de serial entrepreneurs business angels, aussi, car le profil des fondateurs de LegalTech est très atypique (cf. Baromètre Maddyness / Wolters Kluwer / Banque des Territoires Les LegalTechs françaises, tendances 2021) : plus des trois quarts des fondateurs ont un profil juridique. Si ces profils garantissent l’adéquation des solutions aux besoins du marché, cela ne les qualifie pas forcément pour être customer centric contrairement aux profils commerciaux, très répandus dans la French Tech. « A cela s’ajoute une autre spécificité : les KPI de la LegalTech ne sont pas facilement compréhensibles pour les investisseurs. Il y a un travail de fond à mener ici pour asseoir la confiance des investisseurs extérieurs à ce secteur » indique Gaëlle Marraud des Grottes.
Les choses sont sans doute en train de changer puisque dans le baromètre précité, 37% des jeunes pousses indiquaient avoir reçu en 2021 des offres d’acquisitions dont certaines en provenance de corporates. « Mais là encore ce secteur est très atypique : il comporte plusieurs belles start-up rentables, mais sous les radars. La discrétion est une valeur forte sur ce marché » souligne Gaëlle Marraud des Grottes.
Emploi et chiffres d’affaires : une belle dynamique et du potentiel
Fin 2021, les 11 000 startups de la French Tech comptaient près de 250 000 employés (soit une moyenne de 23 salariés par start up) dont 30 000 salariés pour la seule Fintech dont les effectifs pourraient atteindre 40 000 personnes fin 2022. Ici aussi, la LegalTech semble à la traîne puisque 52% restent des petites structures de moins de 5 salariés selon le Baromètre Maddyness / Wolters Kluwer / Banque des Territoires Les Legaltechs françaises, tendances 2021. Mais les ambitions et les intentions d’embauche sont conséquentes : selon une étude France Digitale, plus de 600 postes sont à pourvoir en 2022 alors même que le secteur ne compte que 150 à 200 entreprises. Un double obstacle se dresse sur ce chemin : le fort besoin de profils très techniques, lesquels sont préemptés par des secteurs tech plus attractifs.
L’évolution de la métrique chiffre d’affaires est aussi plus qu’encourageante. Toujours selon l’étude France digitale, les LegalTechs françaises génèreront plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Certes cela peut paraître très peu puisque la plus petite des start-up de l'indice FrenchTech 120 a réalisé un chiffre d'affaires de 18,7 millions d’euros en 2021. Mais là encore il faut regarder la dynamique plus que les seuls chiffres : la part des entreprises déclarant un chiffre d'affaires compris entre 10 et 30 millions d'euros a augmenté de 183% en un an, le nombre d'entre elles générant entre 5 et 30 millions d'euros de chiffre d'affaires a doublé et 27% des jeunes pousses interrogées déclarent avoir une croissance supérieure à 100% (Baromètre 2021, précité). L’international y joue un rôle indéniable : « la part des entreprises ayant des bureaux à l’étranger ne cesse de croître, et la part des clients étrangers des LegalTechs françaises augmente, également. Certaines start-up qui déploient des solutions de contract management, de sécurisation des données, notamment grâce à une infrastructure blockchain, ou encore de gouvernance, sont exportables par nature » indique Gaëlle Marraud des Grottes.
Signal intéressant : DiliTrust, positionnée sur la digitalisation des instances, la gestion des entités juridiques, des contrats, des litiges et contentieux, a clôturé en mai 2022 une opération financière majeure, la plus importante du secteur en France voire en Europe à ce jour, avec 130 millions d’euros investis par des acteurs prestigieux Cathay Capital, Eurazeo et Sagard. Avec cette opération, l’entreprise, déjà présente dans près de 50 pays en Europe, en Amérique Latine, au Moyen-Orient et en Afrique, entend notamment accélérer son développement à l’international.
La next step : la “legal data intelligence”
La LegalTech qui connaît un développement moins fulgurant que d’autres secteurs voisins en raison de toutes les caractéristiques mentionnées, a pour autant un fort potentiel. D’abord, parce que l’environnement réglementaire prolixe en termes de renforcement des obligations des acteurs économiques (devoir de vigilance, ESG, etc.) ainsi que les évolutions technologiques (NFT, métavers, etc.), favorisent l’innovation. Avec à la clé un meilleur pilotage de la gestion des risques et plus de temps pour s’investir dans l’amélioration de la relation avec leurs propres clients.
Ensuite, autre tendance du marché, l’interopérabilité entre solutions. « Des start-up comme Lupl, Monjuridique.infogreffe ou encore SeedLegals permettent de gérer efficacement plusieurs solutions de digitalisation grâce à des synergies entre les data sets propres à chaque solution (table de capitalisation et droit de vote dans les instances, levée de fonds et BSPCE, etc. »).« La legal data intelligence, c’est la tendance émergente » souligne Gaëlle Marraud des Grottes. D’où pour les entreprises et professionnels du droit la possibilité de reprendre la main sur la donnée stratégique.
Enfin, parmi les leviers, le process mining c'est à dire « la mise en place d’une stratégie de cartographie numérique qui va permettre d’identifier rapidement dysfonctionnements et leviers de performance au sein d’une entreprise ».
Trois axes qui illustrent la réserve de puissance de La LegalTech, un secteur encore dans sa petite enfance.
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56fkaHBpq%2FHaJicrKWWuarAxKxmpqGVqsVur86mp6udnpm%2FpnnLnmSpp5mZwG6wxGajmmWcmrSiuNOemqFllJa7tHnLmmSfqpWjsKnAxJyf