Dans les relations qui se tendent entre les porteurs de projets éoliens et les défenseurs du patrimoine, ces derniers viennent de marquer un point important avec la décision d'abandonner le projet d'installation de plusieurs éoliennes de grande taille à Argouges, dans la Manche (voir notre article ci-contre du 21 mars 2012). Ces installations auraient en effet été nettement visibles depuis le mont Saint-Michel. La menace d'un retrait de ce site exceptionnel de la liste du patrimoine mondial de l'Unesco a joué un rôle décisif dans la décision de renoncer au projet. Mais le site n'est pas forcément tiré définitivement d'affaire. Dans un courrier du 14 avril adressé au Premier ministre, huit associations regroupées au sein du "G8 du patrimoine" - dont Patrimoine Environnement, La Demeure historique, Vieilles Maisons françaises, Sauvegarde de l'art français... - s'inquiètent en effet d'un autre dossier.
A la suite de l'affaire d'Argouges, un périmètre d'exclusion serait en cours de mise en place, interdisant la présence d'éoliennes à moins de 40 km à l'ouest et à l'est du mont, mais seulement de 20 km au sud. Or, un projet de zone de développement éolien (ZDE), porté par la communauté de communes d'Antrain est en cours d'examen par la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Selon les signataires, ce projet "comporte 46 éoliennes de près de 150 mètres de hauteur implantées sur des collines de 90 à 100 mètres d'altitude et situées, semble-t-il, entre 22 et 24 km du mont, soit au-delà des 20 km [...]". Dans son courrier, le G8 souhaite donc attirer à nouveau l'attention du Premier ministre "sur la menace qui continuerait ainsi à peser sur le mont Saint-Michel, de nature à porter atteinte à son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco.

Trois projets autour de Vézelay

La menace du déclassement est également au cœur d'un nouveau dossier : celui des projets d'éoliennes autour du site de Vézelay, inscrit en 1979 au patrimoine mondial. Après avoir échoué à empêcher un premier projet à Joux-la-Ville (Yonne), au nord-est de la célèbre colline, le G8 du patrimoine a saisi François Fillon, dans un courrier du 16 avril, de deux autres projets encore en gestation. Les éoliennes du projet d'Arcy-sur-Cure, à quelques kilomètres au nord de Vézelay, seraient ainsi visibles de plusieurs endroits de la ville haute. Un second projet - qualifié de "très inquiétant" - concerne le site de Tannay, une commune située dans la Nièvre mais seulement à une vingtaine de kilomètres de Vézelay. Le G8 estime que "les pales seraient parfaitement visibles derrière la silhouette de Vézelay et de ses édifices, depuis la Croix-Montjoie, le lieu d'où les pèlerins découvraient la colline sur leur chemin de Saint-Jacques". A noter : Tannay possède d'ailleurs elle-même une collégiale du 13e siècle, certes moins renommée que Vézelay mais classée monument historique en 1840, l'année même où Prosper Mérimée chargeait Viollet-le-Duc de restaurer la célèbre basilique.
Aux arguments désormais bien affûtés - risque de retrait du site de la liste du patrimoine mondial, impact négatif sur l'activité touristique "principale ressource économique de la région"... -, le G8 en ajoute un autre, plus spécifique au site. L'Etat et les collectivités territoriales sont en effet en train d'investir des sommes importantes pour la création d'un "grand site du Vézelien", annoncée lors de la visite du président de la République à Vézelay en septembre 2010.
Enfin, les signataires de la lettre ont forcément en tête, même s'ils ne l'évoquent pas, une décision récente concernant une autre abbaye bourguignonne. En novembre dernier, la préfète de la région Bourgogne - s'appuyant notamment sur un avis défavorable du responsable du service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap) - a en effet rejeté le permis de construire d'un parc de neuf éoliennes qui devaient être implantées à moins de 5.000 mètres de l'abbaye de Fontenay, elle aussi inscrite au patrimoine mondial. L'un des considérants de l'arrêté indiquait notamment que le classement par l'Unesco "traduit la valeur exceptionnelle de ce lieu sacré et qu'il ne doit pas être remis en cause par l'implantation à sa proximité d'éléments en contradiction avec l'esprit des lieux" (voir notre article ci-contre du 31 janvier 2012).

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