Cinq ans après sa création, le collectif Les morts de la rue (CMDR) publie une étude très détaillée sur "La mortalité des personnes sans domicile entre 2012 et 2016". Celle-ci a l'honnêteté de mettre en avant plusieurs réserves méthodologiques, qui tiennent à la nature même du sujet. Ainsi, "le recensement n'est pas exhaustif", car "il est difficile d'estimer le nombre réel de personnes à la rue décédées". L'enquête part donc du nombre de cas signalés au Collectif, pour reconstituer par appariement - à partir d'une étude de 2013 du CepiDC (Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès, de l'Inserm) - le nombre total de décès de personnes "SDF". De même, le Collectif précise que "nous n'avons pas pu recueillir l'intégralité des données pour les personnes recensées, beaucoup de données sont donc manquantes".

Un âge moyen au décès de 49 ans

Sous ces réserves, l'étude apporte néanmoins de nombreuses informations. La principale - et la plus dérangeante - est qu'"il y aurait eu réellement 13.371 décès de personnes 'SDF' entre 2012 et 2016 (sur la base de l'appariement effectué pour les données 2008-2010)", dont seuls 2.369, soit 18%, ont été signalés au CMDR. Ces chiffres - qui correspondent à environ 2.700 décès par an - sont à rapprocher du rapport de l'Insee de 2012, qui évaluait à 141.000 le nombre de personnes sans domicile en France.
L'âge moyen national au décès est stable autour de 49 ans, mais légèrement plus élevé en Ile-de-France (53 ans) et un peu plus faible en régions (48 ans). Les femmes "SDF" représentent 9% des décès et meurent plus jeunes que les hommes (46,3 ans contre 49,9 ans). On compte aussi 35 enfants de moins de quinze ans décédés entre 2012 et 2016. Enfin, "la proportion de personnes 'SDF' d'origine étrangère décédées est en augmentation (20% en 2012, 40% en 2016), comme parmi la population 'SDF' vivante".

Plus de dix années à la rue

Les personnes décédées ont passé, en moyenne, 10,3 années à la rue, une durée constante depuis 2014. Si un tiers des personnes 'SDF' décédées a vécu ses derniers moments dans des lieux non prévus pour l'habitation (voie publique, abri, campement, tente, squat) - une part qui tend à augmenter en Ile-de-France -, la proportion de personnes hébergées en lieux de soins a augmenté (moins de 5% en 2012, plus de 20% en 2016), ce qui pose la question d'une éventuelle amélioration de la prise en charge.
De même, si la moitié des causes de décès demeure inconnue, les causes externes (agression, accident) sont plus fréquentes en régions (32%) qu'en Ile-de-France (22%), où les personnes décèdent davantage de maladie (31%).
Sur le cas particulier de la capitale, l'étude observe une hausse de 25% des signalements de décès, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit d'une hausse réelle ou d'un "effet réseau". Elle relève aussi qu'"en moyenne, trois décès par an seulement sont relayés par les medias à Paris, alors que la population SDF est concentrée en Ile-de-France (45% des décès), et que 616 décès y ont été signalés en cinq ans : manque d'engagement et de visibilité des medias ?".

Prévenir davantage l'errance

Au-delà du constat, l'étude du Collectif énonce également un certain nombre de recommandations. Elle préconise ainsi de mieux mesurer les besoins et les résultats des politiques publiques, "afin d'adapter plus vite les moyens déployés face à l'évolution des situations et des publics".
De même, le Collectif préconise de prévenir davantage l'errance, à travers des dispositifs qui font la preuve de leur efficacité, comme "Un chez soi d'abord". Sur la prévention des décès il apparaît notamment nécessaire de porter une attention particulière aux familles avec des enfants, en campement ou en hôtel payé par le 115, mais aussi de travailler davantage sur l'accompagnement en évitant les ruptures et en se montrant particulièrement attentif dans les périodes précédant un changement d'hébergement.
Enfin, sur les aspects plus techniques de l'épidémiologie et de la recherche des causes des décès, l'étude préconise, entre autres, de "créer un plan d'action multipartenaires pour un réel réseau de signalement, au moins au niveau municipal à Paris, en collaboration avec l'Institut médico-légal et la police (BRDP, Bapsa), dépendant du ministère de l'Intérieur, l'Inserm-CepiDC, le Samu social, les centres d'hébergement, la coordination des maraudes, la RATP, les hôpitaux...
 

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