Le Sénat a adopté ce 30 mai, après l'avoir remaniée, la proposition de loi du député écologiste Nicolas Thierry visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (Pfas). Le texte a été approuvé à main levée à l'unanimité des votants, avec le soutien de l'alliance majoritaire de la droite et du centre. 

Poêles en Téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles... De nombreux objets du quotidien contiennent des Pfas ou "polluants éternels", qui doivent leur surnom à leur cycle de vie très long et, pour certaines de ces substances, à leur effet néfaste sur la santé. "Avec cette loi, nous pouvons couper le robinet et réparer les dégâts de 80 années de pollution", a souligné Anne Souyris, sénatrice écologiste de Paris qui espère désormais voir le texte réinscrit à l'Assemblée nationale pour avancer vers une adoption définitive.

Soutien du gouvernement à une initiative européenne

Comme lors des débats à l'Assemblée en avril dernier (lire notre article), l'initiative n'a pas séduit outre-mesure le gouvernement. Même si le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a salué un texte "opérationnel et concret", il s'est dit "réservé" sur une approche "par usage et non par produit" qui "nous éloignerait de la logique européenne", alors qu'une initiative est en cours de discussion. "Le règlement Reach, le plus protecteur au monde, fournit un cadre rigoureux et coordonné à l'échelle de tous les États membres, a-t-il développé. Aller vers 27 réglementations différentes reviendrait à une application défaillante." "Il faut construire un cadre européen pour être crédible et avancer, a-t-il insisté. Nous avons besoin de tous les échelons : territorial, pour les mesures ; national, pour la surveillance et la recherche ; européen, pour les interdictions ou les restrictions de mise sur le marché."

Ajustements à la marge sur deux mesures-clés

L'article-phare de la proposition de loi, maintenu par le Sénat, prévoit d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des Pfas, à l'exception de certains textiles industriels ou "nécessaires à des utilisations essentielles". Une taxe visant les industriels dont les activités entraînent des rejets de Pfas, sur le principe du "pollueur-payeur", figure également dans le texte. Ces deux mesures-clé ont été adoptées avec quelques ajustements à la marge, comme l'exclusion du champ d'interdiction des produits contenant des "traces résiduelles" de Pfas, dont le niveau maximal sera défini par décret. L'interdiction des ustensiles de cuisine, retirée du texte initial par les députés, n'a pas été réintroduite à ce stade, en dépit de plusieurs tentatives de la gauche.

Les débats au Sénat ont également permis de compléter le volet relatif à la transparence des contrôles des Pfas dans les eaux destinées à la consommation humaine. À l'initiative de la gauche, les eaux en bouteille y ont été intégrées, à la suite de révélations sur le recours par des industriels à des pratiques prohibées de désinfection.

Large soutien au texte

Malgré son large soutien au texte, la droite a émis quelques doutes : "La bonne volonté française ne pourra ni empêcher les industriels de notre territoire de supporter le coût de la transition, ni dissuader nos partenaires européens de continuer d'exporter ces substances vers notre sol", a interpellé le sénateur de l'Isère Damien Michallet. "Mais nous avons réussi à ne pas montrer du doigt les entreprises", a-t-il ajouté. "Il faut aller vers plus de transparence pour assurer la crédibilité du secteur et la confiance des citoyens", a affirmé le sénateur socialiste de la Gironde Hervé Gillé, satisfait d'un texte "certes édulcoré", mais qui constitue "une première brique essentielle contre la diffusion des Pfas".

Cette loi est "un progrès dans la bataille contre les Pfas car elle préserve globalement les avancées obtenues à l'Assemblée nationale", a salué dans un communiqué l'association Générations futures, "bien que nous regrettons l'absence de trajectoire de réduction des émissions atmosphériques ou encore le fait que certains usages ne soient toujours pas couverts par une interdiction rapide".

Sujet toujours sensible dans les zones touchées par les Pfas 

Ces dernières semaines, outre la mobilisation parlementaire, plusieurs exemples locaux ont replacé le sujet sur le devant de la scène dans des zones particulièrement touchées, comme à Oullins (Rhône), où 600 personnes ont défilé dimanche 26 mai pour alerter sur les rejets des industriels de la vallée de la chimie au sud de Lyon. 
Ce 28 mai, la métropole de Lyon a demandé au juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon d'ordonner une expertise indépendante sur la pollution aux polluants éternels (PFAS) à proximité des sites des groupes chimiques Arkema et Daikin. "Il s'agit de la première demande de cette ampleur sur le sujet des polluants éternels", ont indiqué Mes Chloé Vincent-Hytier et Quentin Untermaier, qui représentent la métropole de Lyon, la régie des eaux du Grand Lyon et le syndicat Rhône-sud. Pour eux, la procédure en responsabilité civile, lancée après une assignation au civil par la Métropole de Lyon, est justifiée par "l'important préjudice financier subi par la collectivité et les syndicats des eaux, qui doivent traiter les eaux polluées par les rejets de Pfas". Ces eaux proviennent du champ captant de Chasse-Ternay, situé le long du Rhône, et qui alimentent 164.000 foyers en eau potable. Les avocats d'Arkema et de Daikin ont demandé le rejet de la demande d'expertise, au principal motif que le seuil de Pfas dans l'eau captée reste en dessous des normes légales. Le jugement a été mis en délibéré au 30 juillet prochain.

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