Le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prépa) pour "2022-2025", officialisé par la publication d’un arrêté ce 16 décembre, tiendra-t-il sa promesse alors que la France est toujours sous les radars de la Commission européenne et vient également d’écoper de deux astreintes de 10 millions d’euros par décision du Conseil d’Etat pour ne pas avoir suffisamment agi contre la pollution de l’air (voir notre article du 17 octobre dernier) ? "Malgré des progrès au cours de ces vingt dernières années, la pollution de l'air continue à être un problème de santé publique majeur, en particulier dans les zones fortement urbanisées, en causant près de 50.000 morts chaque année", a reconnu le ministre de la Transition Ecologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Des pics importants de concentration d’ozone et des dépassements des seuils réglementaires de qualité de l’air, notamment pour le dioxyde d’azote (NO2), sont encore constatés dans plusieurs agglomérations. 

Ce n’est pas à proprement parler un nouveau plan mais plutôt une mise à jour du plan d’action interministériel adopté en 2017. L’objectif est d’en renforcer les actions sectorielles existantes par des leviers additionnels nécessaires à l’atteinte des objectifs, sans toutefois en modifier la trajectoire. Ce rendez-vous était d’ailleurs déjà fixé. Le Prépa est suivi par le Conseil national de l’air au moins une fois par an et révisé au moins tous les quatre ans. Dans le cadre de sa mise à jour, seul l’arrêté est révisé puisque les objectifs à atteindre et fixés dans le décret (n° 2017-949 du 10 mai 2017) ne sont pas modifiés. 

Des mesures additionnelles déjà en partie opérationnelles

Le ministère a fondé ses travaux sur deux scénarii, avec l’appui de l’organisme national de réalisation des bilans d’émissions de polluants atmosphériques, le Citepa. L’un dit "scénario AME" prend en compte les mesures existantes (adoptées jusqu’au 31 décembre 2019), issues entre autres de la Loi Energie-Climat et de la loi d'orientation des mobilités (LOM), et l’autre dit "scénario AMS" comprend en outre des mesures additionnelles décidées ou élaborées depuis le 1er janvier 2020, c'est-à-dire au premier chef par la loi Climat et Résilience. La mise en oeuvre de la plupart des mesures évoquées par le plan a donc en réalité déjà commencé, sans que l'on puisse à ce stade complètement en évaluer les bénéfices. Des simulations plus fines devraient être réalisées dans les prochains mois. Le scénario avec mesures additionnelles  était en effet "nécessaire", souligne le ministère, "puisque les mesures existantes ne permettaient pas d’atteindre l’ensemble des objectifs de réduction des émissions visés à l’horizon 2025 et 2030, en particulier concernant l’ammoniac" (NH3). 

Panel de mesures sectorielles

On les retrouve dans l’annexe de l’arrêté, qui décline dans un tableau les actions de réduction des émissions à mettre en œuvre dans tous les secteurs et à renforcer pour améliorer la qualité de l’air pour les quatre prochaines années. Il prévoit également "des actions d’amélioration des connaissances, de mobilisation des territoires, et de financement", relève le ministère. Certaines de ces actions mises en place par les décideurs locaux bénéficieront bien évidemment des crédits du fonds vert. Mais il y a globalement peu de visibilité sur la partie financement. On le débusque de-ci de-là sous les différentes rubriques, à l’exemple de "l’abondement des fonds Air Bois existants par l’Ademe, pour les maintenir au moins jusqu’en 2026, en accord avec les collectivités volontaires" (rubrique résidentiel). Idem pour la mobilisation des collectivités territoriales que l’on retrouve en filigrane au gré des différentes rubriques sectorielles. Sous le volet agriculture, on relève notamment une passerelle avec les outils locaux de planification, à travers la promotion de pratiques agricoles vertueuses au regard de la qualité de l'air "auprès des responsables de la mise en place de dispositifs d'appels à projets, de financements, de planification, de valorisation, notamment les Sraddet, PPA [plans de protection de l'atmosphère], plans locaux pour l’amélioration de la qualité de l’air (PLQA), plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET)". Il est aussi question d’intégrer la problématique des alternatives au brûlage à l'air libre des résidus agricoles dans les schémas régionaux de mobilisation de la biomasse. Dans l’industrie, priorité est ainsi donnée aux contrôles des "ICPE situées dans les zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère (PPA)". 

Mobilités et rénovation thermique des bâtiments : deux leviers en pole position 

Sans surprise, les mesures incitatives sur les mobilités actives et les transports partagés figurent en bonne place : poursuite du déploiement du forfait mobilité durable dans les secteurs public et privé (notamment covoiturage et autopartage avec des véhicules à faibles émissions), plan vélo et mobilités actives pour soutenir les collectivités dans leurs projets d’aménagements cyclables, mise en place d’infrastructures et subvention du covoiturage par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) - "le plan covoiturage 2" prévoit de les y aider notamment via 50 millions d’euros du fonds vert (voir notre article du 13 décembre) -, accélération des investissements en matière d’infrastructures de transport en commun, etc. Il s’agit par ailleurs d’accélérer le déploiement de bornes de recharges rapides "dans un souci de maillage territorial" et de finaliser le chantier des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants (au plus tard au 31 décembre 2024) avec un "volet accompagnement" désormais plus étoffé suite aux travaux du premier comité des ZFE-m (voir notre article du 25 octobre). 

Pour le  secteur du bâtiment, le plan valorise le décret tertiaire (n°2019-771 du 25 juillet 2019), dont les obligations seront rendues effectives dès 2023, et la mise en œuvre des mesures de la loi Climat et Résilience, en matière de rénovation des "passoires thermiques" et d’accompagnement à la rénovation. Le plan d’action visant à réduire les émissions de particules fines issues du chauffage au bois, publié le 23 juillet 2021, génère également beaucoup d’attentes. Le document mentionne en outre "l’élaboration de plans d’actions pour le déploiement de mesures supplémentaires et adaptées aux spécificités territoriales dans les zones couvertes par un PPA, afin de réduire de 50% les émissions totales de PM2.5 liées au chauffage au bois en 2030, par rapport à leurs niveaux en 2020". Une boîte à outils devrait aussi venir accompagner les collectivités pour la mise en place des filières alternatives au brûlage des déchets verts ainsi que la mobilisation de financements "pour inciter à la mise en place de broyeurs de déchets". 

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