Christophe Bouillon, le président de l'Association des petites villes de France (APVF), a présenté ce 8 septembre à la presse la contribution des maires de petites villes pour la suite du Ségur de la santé, intitulée "Pour une offre de soins et de proximité dans les territoires". En matière de santé – enjeu important dans les petites villes –, l'APVF fait preuve d'une constance certaine, puisqu'elle en est à son quatrième livre blanc ou assimilé sur le sujet. Le document présenté cette année forme un ensemble très dense et très complet de 50 propositions – dont 30 dites "principales" –, qui ont par ailleurs le grand mérite d'être véritablement argumentées et pas seulement assénées.

Pour des territoires prioritaires de santé

Lors de la présentation du second volet du Ségur de la Santé (voir notre article ci-dessous du 15 juillet 2020), l'APVF avait favorablement réagi en indiquant porter "un regard positif et constructif sur les principales propositions et préconisations contenues dans le document récapitulant un mois de travaux" (voir notre article ci-dessous du 22 juillet 2020). Deux mois plus tard, elle ne revient pas sur ce jugement, mais considère que, une fois sorti de l'urgence des mesures de revalorisation des personnels, il faut aller plus loin en abordant "l'angle mort" de la concertation animée par Nicole Notat : la question des territoires. L'APVF – qui n'a pas eu vent, pour l'instant, du lancement du Ségur de la santé publique annoncé en juillet par Olivier Véran – juge cette prolongation du Ségur d'autant plus nécessaire que les questions de santé et d'accès aux soins seront au nombre des thèmes centraux des prochaines élections régionales et sénatoriales.

C'est donc sans surprise que le premier des sept axes des propositions de l'APVF est consacré à la "territorialisation des politiques de santé". L'association plaide notamment pour le "déploiement d'un réseau d'hôpitaux de proximité", avec "un coup d'arrêt aux fermetures de lits en milieu hospitalier", un maintien des petites maternités et un renforcement des plateaux techniques de proximité – des demandes récurrentes de l'APVF –, mais aussi la création d'un "bouclier de services de proximité". Autre proposition innovante : la création de "territoires prioritaires de santé", calqués sur le modèle des QPV. Ces territoires prioritaires de santé seraient un lieu de stage obligatoire de six mois pour les étudiants du deuxième cycle de médecine.

Sur la question de l'installation des médecins, l'APVF reste sur sa ligne coercitive. Bien que rebaptisé "conventionnement au libre choix du médecin", le dispositif proposé repose toujours sur le conventionnement sélectif. Par ailleurs, comme avec d'autre tenants de mesures coercitives – mais aussi de partisans de mesures incitatives –, le débat semble oublier que l'enjeu se situe de plus en en plus en amont, avec la fuite croissante devant l'exercice généraliste libéral et le retard à l'installation des généralistes. Ceci explique sans doute pourquoi l'association demande aussi au gouvernement la mise en place de mesures incitatives pour que les médecins qui le souhaitent puissent être salariés (sur le modèle du National Health System britannique).

Mettre fin au système dual entre hôpitaux et cliniques

Le second axe des propositions de l'APVF porte sur la refonte de l'offre de soins. Il est construit autour de la notion de "parcours de santé", pensé à l'échelle des bassins de vie et entendu au sens de l'amélioration de l'accès aux soins. Ceci passe notamment par une meilleure articulation entre l'hôpital et la médecine ambulatoire, mais aussi entre généralistes et spécialistes, ainsi que par un renforcement des coopérations. Sur ce point, l'APVF est très favorable au développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui "sont en train de transformer la médecine de ville".

Plus original : l'association préconise un rapprochement à marche forcée entre hôpitaux et cliniques. D'une part, en organisant une "grande conférence interprofessionnelle" entre les deux parties, "afin de mettre fin au système dual actuel". D'autre part, en instaurant un "fonds de péréquation" entre hôpitaux et cliniques ou, à défaut, en permettant à l'État de prendre des parts dans les cliniques. On voit toutefois mal comment la suppression du "système dual" pourrait se concrétiser autrement que par la disparition des cliniques, même si l'APVF ne le demande pas.

Une démocratie territoriale de santé qui passe par un retour en force des élus

Sur le troisième axe – "entre attractivité et équité : le défi des professions de santé" –, les propositions recoupent assez largement les mesures du Ségur de la santé ou les complètent. C'est le cas de la revalorisation de la profession d'infirmier (déjà engagée avec la création de l'"infirmier de pratique avancée"), de l'amélioration des conditions de travail, de la revalorisation du statut des internes, ou de la parité salariale femmes/hommes. En revanche, la "réduction des écarts salariaux injustifiés" entre hôpitaux et cliniques risque de se révéler plus compliquée, d'autant que les rémunérations les plus élevées se trouvent aujourd'hui du côté du public, avec les "médecins mercenaires" qui assurent des remplacements à prix d'or, phénomène que les pouvoirs publics ne parviennent pas vraiment à entraver.

Le quatrième axe – "Mettre en place une démocratie territoriale de santé" – rentre plus directement en résonance avec le rôle des élus locaux. Il s'agit en particulier d'associer davantage des élus aux décisions, d'établir un dialogue plus étroit avec des ARS réformées – Christophe Bouillon ne demande pas la suppression des ARS, "pour les remplacer par quoi ?" –, par exemple sous forme de points d'échange obligatoires à échéances régulières et d'un renforcement du rôle des délégations départementales. L'APVF se prononce également pour la création d'un conseil de surveillance au sein de chaque agence régionale, qui compléterait ainsi les actuels conseils d'administration en associant élus, préfets, professionnels de santé... Dans le même registre, l'APVF plaide pour donner davantage de compétences aux conseils de surveillance des hôpitaux, aujourd'hui réduits au rôle de coquilles vides au point que certains maires refusent de les présider.

Une "clarification" des relations entre les acteurs

Enfin, l'APVF attend une "clarification" des relations entre préfets et directeurs généraux d'ARS, étant d'ores et déjà entendu que le préfet – et plus précisément le préfet de région (ce qui semble un peu contradictoire avec le reproche fait aux agences régionales d'être trop éloignées du terrain) devra être l'unique patron lors de la prochaine crise sanitaire. Cette clarification doit s'étendre aux relations entre l'État et les collectivités territoriales.

L'APVF attend également une clarification entre collectivités et propose notamment que "les intercommunalités puissent être dotées de compétences de coordination de l'offre de soins, afin d'assurer un dialogue plus efficient entre différentes communes d'une même intercommunalité". Sur ces différents points, Christophe Bouillon, qui doit rencontrer très prochainement Jacqueline Gourault et le nouveaux secrétaire d'État aux Ruralités Joël Giraud, attend beaucoup d'une refonte en profondeur du projet de loi 3D.

Au-delà des mesures ciblées, des mesures transversales pour favoriser l'accès aux soins

Au-delà de ces quatre axes principaux, l'APVF consacre aussi un chapitre à la "désertification médicale, en enjeu transversal", regroupant les trois autres axes. Les mesures proposés à ce titre ne figurent pas dans les propositions principales, car le lien avec les enjeux de santé est bien réel, mais moins direct. Le premier axe concerne ainsi la revitalisation des centres-villes, facteur majeur d'attractivité des territoires, notamment pour les professions de santé. Le second, déjà largement engagé, concerne la lutte contre la fracture numérique et le développement de la e-santé, qui a bénéficié d'un coup d'accélérateur sans précédent avec la pandémie et le confinement. Enfin, le troisième axe plaide pour une conception européenne des défis et des enjeux, avec en particulier l'"organisation d'une véritable souveraineté sanitaire européenne".

Conclusion de l'APVF : "Après l'annonce du plan 'Ma santé 2022' l'an dernier, qui allait dans la bonne direction mais dont les ambitions demeuraient limitées, il est temps de changer de braquet et de faire preuve de volontarisme politique. C'est un enjeu de société...".

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