Le Premier ministre a confirmé le 24 juillet, la volonté du gouvernement d'introduire une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du secteur communal dans le projet de loi de finances pour 2016 qui sera présenté fin septembre, une échéance que les élus locaux ont jugé trop proche pour ce vaste chantier.
Entamés en avril par un groupe de travail du Comité des finances locales, les réflexions sur l'évolution de la principale dotation aux collectivités (36,6 milliards d'euros sur les 43,8 milliards d'euros dédiés par l'Etat aux diverses dotations de fonctionnement) vont donc se poursuivre sans plus tarder. Dès à présent, pour compléter les simulations existantes, puis, à la rentrée, pour de nouveau associer les élus locaux au projet de réforme. Le gouvernement a donné ces précisions alors que le Premier ministre a reçu de la députée socialiste Christine Pires Beaune le rapport qu'il lui avait demandé en janvier dernier. La députée formait un tandem avec le sénateur socialiste Jean Germain jusqu'à son décès le 7 avril dernier.
En s'appuyant sur les propositions du rapport (ce dernier est à télécharger ci-contre), le gouvernement a posé les bases de la réforme, confirmant au passage les principes qu'il avait présentés aux responsables des associations d'élus locaux le 15 juillet, lors d'une réunion du Dialogue national des territoires (voir notre article du 17 juillet).
Dotation de centralité
Pour les communes, une dotation forfaitaire rénovée, d'un montant de 75 euros par habitant, serait créée. Cette enveloppe de 5,4 milliards d'euros serait répartie en fonction de la population de la commune, de sa taille en comparaison de l'intercommunalité à laquelle elle appartient et de sa densité, selon "les hypothèses de réforme privilégiées" présentées aux élus locaux.
Cette dotation de base serait complétée par une dotation de ruralité visant à compenser les charges de ruralité. Selon les options choisies, 25.400 ou 34.500 communes bénéficieraient de cette dotation. Dans un cas, celle-ci serait d'un montant de 263 millions d'euros et dans un autre de 135 millions d'euros.
Pour les communes exerçant des fonctions de centralité, une dotation spécifique serait par ailleurs attribuée à partir du critère de la population et, éventuellement en plus, du coefficient d'intégration fiscale qui mesure le degré d'intégration de la commune dans son intercommunalité. Son montant varierait de 25 euros à 45 euros suivant les communes.
Pour les intercommunalités, serait mise en place "une dotation rénovée prenant davantage en compte l'intégration et les mutualisations au sein des EPCI".
En outre, les dotations de péréquation seraient réformées afin qu'elles bénéficient davantage aux collectivités les plus pauvres. S'agissant du sort de la dotation nationale de péréquation, "la décision n'a pas encore été prise", a précisé la députée lors d'un point presse à l'issue de sa rencontre avec Manuel Valls. "Les simulations se poursuivent", a-t-elle expliqué. Dans son rapport, elle suggère la suppression de cette dotation et la réorientation des crédits vers les dotations de solidarité urbaine et rurale.
DGF locale : le gouvernement y tient
Il existe "deux points de divergence" avec les élus locaux, a reconnu le secrétaire d'Etat au Budget après la réunion entre le Premier ministre et la députée en mission. Ils concernent "le calendrier et la méthode". On sait que les associations d'élus locaux et le Comité des finances locales réclament la préparation d'une loi de réforme spécifique qui serait votée en 2016. En outre, les élus locaux excluent une mise en œuvre de la DGF locale proposée par le rapport, même partiellement. Beaucoup craignent que ce dispositif consistant à calculer une enveloppe de DGF à l'échelle d'un ensemble intercommunal ne conduise à la disparition des communes.
Ce n'est pas l'avis du gouvernement. A l'issue de la réunion du 15 juillet, il soulignait "l'intérêt d'une évolution vers une DGF 'locale'". Il a continué à défendre cette position ce 24 juillet. Si, toutefois, elle devait être introduite dans le PLF 2016, la DGF locale se limiterait à la répartition de la dotation de centralité (représentant 2 milliards d'euros). C'est en tout cas le pronostic qu'a fait Christine Pires Beaune. Dans son rapport, la députée du Puy-de-Dôme plaide de son côté pour un dispositif élargi à la dotation forfaitaire des communes et à la dotation de compensation des EPCI (soit au total 15,4 milliards d'euros). Mais, selon elle, il ne serait pas possible de parvenir à une adoption de ce scénario "ambitieux", les réticences étant trop fortes, tant du côté des élus locaux que de certains parlementaires.
"Aujourd'hui, on traite de manière identique une commune qui a délégué des compétences à son intercommunalité - par exemple la gestion de la piscine - et une commune voisine qui a gardé l'exercice des mêmes compétences. Les deux communes n'ont pourtant pas les mêmes charges", a expliqué Christine Pires Beaune. "La direction générale des collectivités locales a des difficultés à déterminer des critères de centralité depuis Paris", a corroboré la ministre en charge de la décentralisation, pour qui il serait plus efficace de confier cette responsabilité à chaque territoire.
"Une réforme progressive"
La complexité de l'architecture d'une DGF composée elle-même de douze dotations, la difficulté pour les gestionnaires locaux de prévoir son montant, justifient une réforme, souligne Christine Pires Beaune. La députée insiste plus encore sur les importantes inégalités de DGF qui ne sont pas justifiées. Elle cite l'exemple des communes d'Aubière et de Lempdes, dans le Puy-de-Dôme. Toutes deux sont membres de la communauté d'agglomération clermontoise et ont des caractéristiques proches. Pourtant, le montant de DGF par habitant de Lempdes est supérieur de plus de 70% à celui d'Aubière.
Les propositions de la mission sur la réforme de la DGF permettraient de réduire un peu ces écarts injustifiés de ressources. La rénovation de la dotation forfaitaire des communes conduirait ainsi à "une réduction moyenne des écarts de dotation par habitant de 4% pour l'ensemble des strates démographiques et jusqu'à 13% pour les communes de 75.000 à 100.000 habitants, après application des mécanismes de garantie".
Pour être "soutenable", la réforme de la DGF "sera progressive", a déclaré Christine Pires Beaune : "Il n'est pas question de réformer brutalement." Pour cela, la députée avait envisagé au départ la création d'une dotation de transition. Finalement, l'option a été écartée au profit d'un "mécanisme de plafonnement" à la hausse (+ 5%) et à la baisse (- 5%) de la dotation forfaitaire s'appliquant avant contribution au redressement des finances publiques. Ce mécanisme permettra à la fois de "lisser les effets de la réforme dans le temps et de réduire progressivement les écarts injustifiés de DGF".
Le gouvernement fait actuellement "un travail de dentelière", a assuré Marylise Lebranchu. Celle-ci veut à tout prix éviter que des anomalies ne surviennent et ne viennent renforcer la grogne chez les élus locaux, déjà attisée par la baisse des dotations.
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