On ne peut courir deux lièvres à la fois. L'analyse comparée des tarifications régionales de l'offre de transport interurbaine (hors Île-de-France) réalisée par le cabinet 6-t pour la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) et Régions de France fait état d'une tarification du TER (objet principal de l'étude, qui concerne dans une moindre mesure les autocars interurbains) "inhomogène" depuis sa régionalisation en 2017. Or cette hétérogénéité, consubstantielle à la décentralisation, serait préjudiciable à l'essor de la fréquentation, les auteurs de l'étude faisant "l’hypothèse qu’une plus grande proximité tarifaire entre les régions […] pourrait être un levier d’augmentation de la fréquentation" par ailleurs recherchée. Le principal facteur clé de succès semble toutefois être ailleurs.

Une hétérogénéité toute relative

À la lecture de ce comparatif, les solutions adoptées par les différentes régions paraissent en effet très proches, au moins pour les trains – qui constituent le coeur de l'étude. Toutes ont ainsi retenu comme base de leur tarification un système kilométrique, simple ou par paliers. Toutes proposent des réductions, qu'elles soient liées à la fréquence d'utilisation – abonnements, avec avantages associés, pour les usagers pendulaires, qui représentent la majorité des trajets effectués ; cartes de réduction payantes pour les usagers occasionnels (à l'exception de la Bretagne), etc. – ou au statut des voyageurs (tarification sociale). Et si dans ce dernier cas l'enquête relève des tarifs "très variables", on retrouve là encore de grands traits communs : toutes les régions proposent des offres pour les jeunes, qui représentent une part importante du trafic ; lorsque des tarifs à destination des demandeurs d'emplois n'existent pas, il existe des "tarifs solidaires" qui leur sont accessibles, etc.

Au final, il apparaît que les écarts de tarification restent globalement faibles. Par exemple, un trajet de 40km, hors réduction, varie de 8 euros à 10 euros d'une région à l'autre, avec un prix moyen de 8,93 euros. Autre exemple, les abonnements pour les pendulaires oscillent entre 85 euros et 92 euros. Preuve de cette homogénéité, la première des recommandations de l'étude est de "mettre davantage en valeur les points communs aux offres tarifaires des différentes régions". Et même lorsqu'il existe une "forte variabilité" des tarifs entre les régions (en matière de tarifs sociaux), les auteurs ne préconisent pas "une harmonisation totale [qui] n'apparaît pas pertinente", mais seulement de mettre "davantage en valeur les points de convergence". Seule exception, l'étude préconise "d'adopter une base commune pour les tarifs de groupe".

Un objectif commun : le report modal

Cette homogénéité n’est pas illogique. Elle est notamment le fruit d'un objectif partagé : promouvoir un mode de transport jugé vertueux, favoriser le report modal en provenance de la voiture. "En France, la tarification du TER n'a pas pour objectif ou pour ambition première de couvrir totalement les coûts d'exploitation", souligne l'étude (ces derniers le sont aux trois-quarts par des subventions). Elle constate ainsi que "quelle que soit la région, les tarifs de base sont inférieurs au coût global de la voiture, et les tarifs réduits usagers fréquents sont inférieurs aux coût d'usage de l'automobile".

Par ailleurs, l'étude relève que cette liberté tarifaire reste pour partie contrainte, que ce soit par la négociation avec la SNCF, mais aussi par les possibilités techniques de cette dernière, qui conserve – pour l'heure – la main sur la distribution de titres. Où le bât blesse.

Interfaces de vente : homogénéité entre régions, mais hétérogénéité en leur sein

Côté pile, l'étude fait état de "canaux de vente relativement homogènes dans leur fonctionnement comme dans leurs enjeux" d'une région à l'autre. Toutes disposent ainsi de canaux de vente "présentiels" – "humanisés" (guichets) ou automatiques (distributeurs) – et de canaux de vente numérique, là encore "sous une forme relativement harmonisée" d'une région à l'autre. Mais moins d'une solution à l'autre… Côté face, l'étude observe en effet que ces différents canaux ne proposent pas toujours, au sein même de chaque région, les mêmes tarifs pour une même offre, ni les mêmes offres d'ailleurs, certains produits n'étant pas disponibles sur l'ensemble des canaux de vente. Certains ne le sont qu'en ligne, soulevant la question de l'équité d'accès. D'autres sont absents des solutions SNCF, pour des raisons techniques.

Des difficultés qui risquent en outre d'aller croissant avec l'ouverture à la concurrence, alors que coexisteront plusieurs exploitants dans une même région. Ce qui pourrait conduire les autorités organisatrices à prendre en main la distribution, d'autant plus que les données commerciales constituent un enjeu d'importance pour les opérateurs, source de crispations.

Manque de visibilité et de lisibilité

In fine, plus que son hétérogénéité entre régions, c'est le manque de lisibilité et de visibilité de l'offre tarifaire – qui "apparaît à l'usager comme une boite noire" – qui semble constituer un frein à l'essor du TER. Une situation d'autant plus paradoxale, note l'étude, que "les tarifs pratiqués sur le TER sont publics" (via les délibérations), "fixes et prévisibles" (absence de recours à l'optimisation dynamique des prix). Les auteurs recommandent donc aux régions de "communiquer sur les montants et les structures tarifaires", de "communiquer davantage sur le prix plafond des différents produits tarifaires proposés" (qui sont "relativement proches" d'une région à l'autre…), de "communiquer sur l'existence de cartes de réduction et les abonnements". Ils préconisent également de faciliter la comparaison des tarifs par les usagers, notamment en développant des simulateurs indiquant à chaque usager le produit qui serait pour lui le plus avantageux.

Harmoniser les offres de transport routier régional

S'il est une harmonisation qui semble en revanche nécessaire, c'est celle de la tarification des autocars régionaux "au sein de chaque région", entre les départements qui la composent (six d'entre elles ont toutefois d'ores et déjà pressé le pas, adoptant une tarification uniforme). L'étude déplore en effet que "dans certaines régions, qui regroupent une dizaine ou une douzaine de départements, cela aboutit à un système complexe et peu lisible pour l’usager". L'étude recommande également de conduire une réflexion sur un rapprochement de la tarification entre les autocars TER et les autres autocars régionaux. Elle préconise enfin une harmonisation "non pas des tarifs, mais des profils d'usagers bénéficiant de conditions spécifiques entre TER et autocars régionaux" et de la sémantique entre les réseaux TER et routiers, en intégrant en outre l'ensemble de l'offre d'autocars régionaux aux sites TER des régions.

ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoq5qqmZu2pK3ToqanZZSawG7A0ZqlrKifp8G0edGenqKnnpbCuXnUp5xmoJWpsrO7xp6lnqGkmnq1u9StnGaqlaGutbXVnmSerF2qu6Z5yKWjoquZl7attdOeZJydoqmuqrrE