Un été particulier. La formule a par exemple été choisie par la mairie de Paris cette année pour nommer son programme d'animations destiné à tous ceux qui resteront en ville. Particulier, oui, il l'est évidemment. Tout comme l'a été l'ensemble de ce premier semestre 2020. Notre traditionnelle "édition spéciale" qui restera en ligne durant ces trois premières semaines d'août - la rédaction de Localtis s'absentant malgré tout... - l'est donc forcément elle aussi.
C'est en février que nous publiions les tous premiers articles liés au covid-19. L'un d'eux évoquait un courrier adressé le 25 février par le Premier ministre à l'ensemble des maires de France "confrontés à l'inquiétude de nos concitoyens face aux risques d'une épidémie". Edouard Philippe y listait les mesures alors mises en place par l'État et invitait les élus à "la plus grande vigilance face à la propagation de fausses nouvelles". On connaît la suite.
Depuis, nous avons quotidiennement rendu compte de cette actualité hors normes, toujours bien-sûr sous le prisme des collectivités (une page "Dossier" liste tous ces articles). Il n'est pas une thématique, un champ de compétence, qui n'ait été chamboulé par la crise sanitaire et ses effets en cascade. Santé, social, sécurité, évidemment. Très vite aussi, l'éducation, le numérique dont nous devenions tous plus dépendants que jamais, les transports quasi à l'arrêt puis sous haute surveillance… mais aussi l'urbanisme, la commande publique dont il a rapidement fallu assouplir les règles, la politique de la ville lorsqu'on s'est rendu compte des difficultés décuplées de certains quartiers, les ressources humaines de mairies devant à la fois continuer d'assurer les services essentiels et gérer le télétravail d'une partie de leurs agents… et puis, bien entendu, le terrain de l'économie et de l'emploi, sur lequel les collectivités ont immédiatement saisi l'ampleur du séisme.
Le rythme de l'information s'en est naturellement trouvé accéléré. Textes de lois successifs et décrets en pagaille (ah les conseils des ministres à vingt-cinq ordonnances, les décrets transitoires valables sur deux jours et ceux remplaçant les précédents dont l'encre était à peine sèche…), multiples prises de parole, plans et annonces de l'exécutif… De ce point de vue-là en tout cas, la machine de l'Etat a montré toute sa capacité à produire. Même en version confinée, le Parlement a aussi tenu à jouer son rôle avec, notamment, de multiples auditions en visio – dont celles d'élus locaux et autres acteurs de terrain – liées à la gestion de la crise. Un rôle qui a aujourd'hui pris la forme, dans chacune des deux chambres, d'une commission d'enquête.
"Pour le plein exercice des libertés locales"
Une chose est sûre, on n'a jamais autant parlé des collectivités qu'au cœur de la crise. Le maire en première ligne, ce fut dit et répété. Y compris là où on ne l'attendait pas forcément. Pour fournir des masques et assurer l'accueil des enfants de soignants, impliquer la police municipale dans le contrôle des attestations de déplacement, se demander si c'était une bonne idée ou pas de désinfecter les rues, mettre en place un drive fermier en soutien aux producteurs du coin… ou, plus tard, pour appliquer avec les chefs d'établissement le casse-tête du protocole de réouverture des écoles puis préparer les "vacances apprenantes" des jeunes qui resteraient assignés à résidence bien après le déconfinement. Les départements ont évidemment eux aussi été des plus sollicités, à commencer par le médicosocial... donc les Ehpad. On aura aussi par exemple redécouvert le rôle des laboratoires départementaux d'analyse. Quant aux patrons de régions, on les a vus tourner à plein régime pour mettre en place plans et fonds de soutien en faveur du tissu économique de leur territoire.
Juste avant et juste après tout ça, les élections municipales. Et donc une gestion locale à géométrie variable, entre les équipes élues dès le premier tour (et, parmi elles, les équipes sortantes reconduites et les nouvelles équipes dont l'entrée en fonction était différée) et les communes attendant patiemment que la date du deuxième tour soit fixée. Il fut un temps question d'un report au mois de septembre. Ce fut finalement le 28 juin, soit trois mois après le premier tour, au terme d'une quasi non-campagne. Avec, au final, une abstention atteignant un nouveau record. Et un verdissement politique propre aux grands centres métropolitains (Lyon, Bordeaux et Strasbourg...).
Tout au long de la crise, on n'aura cessé de louer le couple maire-préfet. Le 14 juin, en s'adressant aux Français pour évoquer "notre organisation face à l'épidémie, tirer les premières leçons de cette crise, et dessiner en quelques lignes notre nouveau chemin", Emmanuel Macron faisait part de sa volonté de "bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités", considérant que "l'organisation de l'État et de notre action doit profondément changer", que "tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris". Déconcentration, décentralisation ? Ces mots n'ont pas été prononcés. Pendant ce temps toutefois, d'autres travaillaient sur le sujet.
Ainsi, le 2 juillet, le président du Sénat, Gérard Larcher, présentait et remettait au chef de l'Etat 50 propositions répondant à son credo déjà ancien : "Seul un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales permettra de restaurer la confiance et de donner un nouvel élan". Des propositions qui viennent d'ailleurs tout juste d'être déclinées en trois propositions de loi (constitutionnelle / organique / ordinaire) "pour le plein exercice des libertés locales", signées Philippe Bas et Jean-Marie Bockel. Une semaine plus tard, le 8 juillet, c'était au tour de Territoires unis (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Régions de France) de présenter son corpus en vue d’"une très grande loi des libertés locales".
Les territoires... et "le terrain"
Pendant ce temps aussi… c'est "Monsieur déconfinement", Jean Castex, qui était désigné pour Matignon (le 3 juillet), les nominations ministérielles intervenaient (le 6 juillet), la déclaration de politique générale était prononcée (le 15 juillet à l'Assemblée, le 16 au Sénat). On ne reviendra pas sur le nombre d'occurrences, beaucoup commenté, du mot territoires dans les deux allocutions du nouveau Premier ministre. Mais la tonalité était clairement donnée. Ce, avec Jacqueline Gourault reconduite au ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités, désormais accompagnée de Joël Giraud en tant que secrétaire d'Etat à la ruralité.
C'est donc Jacqueline Gourault qui, le 29 juillet a présenté en conseil des ministres le projet de loi organique venant simplifier le mécanisme d'expérimentation prévu par l'article 72 de la Constitution hérité de la réforme Raffarin de 2003. Ce texte, c'est un peu le premier étage de la fusée relance de la décentralisation. C'est en effet le futur projet de loi 3D, qui fait actuellement l'objet d'échanges avec les associations d'élus locaux, qui viendra donner du contenu aux principes posés par ce projet de loi organique, en fournissant une première liste de compétences ou politiques publiques susceptibles de faire partie des expérimentations. Il avait initialement été envisagé de faire circuler les deux textes au Parlement à peu près en parallèle. Finalement, le projet de loi organique devrait arriver en première lecture au Sénat à la mi-octobre (juste après les sénatoriales), pour une adoption d'ici la fin de l'année 2020. Le projet de loi 3D, quant à lui, ne devrait être examiné qu'au premier trimestre 2021.
Pour l'heure, les territoires version Castex, c'est aussi tout simplement ce mois de juillet au pas de charge durant lequel il s'est démultiplié sur le terrain pour investir sa fonction de Premier ministre, d'un commissariat à un centre de formation des apprentis, d'un Ehpad à un site de fret ferroviaire, au gré de l'actualité et des dossiers en cours. "Je ne peux pas me rendre compte de ce qui se passe si je ne me déplace pas", plaidait-il y a quelques jours en sortant d'un centre d'hébergement d'urgence. Son entourage le confirme : "Il entend bien sillonner la France." Y compris pour "voir sur le terrain comment cela se passe" dans la gestion de l'épidémie "et adapter les moyens en fonction" de la situation.
C'est d'ailleurs ce qu'il a fait ce lundi 3 août avec une visite dans la métropole lilloise où le port du masque est désormais obligatoire dans certains "lieux publics ouverts", donc y compris dans certaines rues, comme c'est le cas dans d'autres villes. Le chef du gouvernement a à cette occasion appelé les Français à "ne pas baisser la garde" face au Covid-19 pour "éviter un reconfinement généralisé". Ceux qui pensaient qu'on ne parlerait plus désormais que de crise économique et de relance savent désormais que l'enjeu purement sanitaire n'est pas encore derrière nous.
Promettant d'être "sur le pont (...) tout l'été", Jean Castex a par ailleurs devant lui une grosse pile de dossiers qui ne maigrit pas et les 43 membres de l'équipe gouvernementale se devront d'être opérationnels dès le conseil des ministres de rentrée le 25 août, qui sera suivi d'un séminaire le 2 septembre. Au menu, entre autres : la rentrée scolaire et universitaire, le plan de relance économique (dont une maquette est attendue fin août et pour lequel une importante réunion de ministres s'est tenue le 30 juillet à Matignon) et le projet de loi de finances qui viendra le traduire, la suite des concertations avec les partenaires sociaux, y compris sur le chantier de la dépendance, ou encore l'élaboration du projet de loi post Convention citoyenne sur le climat.
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