La Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux) publie, dans sa collection des "Cahiers de la Drees", une étude de 70 pages intitulée "Mesurer régulièrement le non-recours au RSA et à la prime d'activité : méthode et résultats". Les auteurs rappellent en effet que "des chiffres circulent sur le sujet, accompagnés d'analyses utiles pour comprendre les difficultés d'accès aux prestations sociales de certains publics, mais la plupart de ces chiffres ne sont pas généralisables car ils reposent sur des enquêtes menées auprès de populations particulières, comme celles connues des associations caritatives".
Un montant potentiel de trois milliards d'euros par an
La Drees a donc pour objectif prioritaire "d'expertiser la possibilité d'une mesure régulière du non-recours au RSA et à la prime d'activité, qui soit suffisamment fiable pour être diffusée". Plutôt technique et faisant abondamment appel à la modélisation, l'étude passe en revue différents modèles. Elle s'appuie principalement sur l'enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS), une enquête annuelle en population générale représentative des ménages résidant dans un logement ordinaire en France métropolitaine, produite par l'Insee. En effet, cette base individuelle est à la fois riche, représentative et régulière. Or, dans les études habituelles sur le non-recours, "la détection des éligibles est toujours approximative, dans la mesure où les informations nécessaires à l'application des règles de calcul du droit aux prestations (par exemple, les revenus, la situation familiale, le statut de résidence, le statut d'activité) ne peuvent jamais être observées parfaitement, quelle que soit la source de données".
Sans entrer dans le détail des débats statistiques, le résultat du travail de la Drees est riche, mais se conclut à la fois par un échec et par une réussite. L'échec concerne la prime d'activité, pour laquelle il n'apparaît pas possible, à ce stade, d'afficher un taux de non-recours fiable. En effet, "des données complémentaires, aujourd'hui non disponibles, restent nécessaires pour estimer le non-recours à la prime d'activité". En revanche, les résultats apparaissent probants en matière de RSA. Ainsi, en 2018 (l'année de référence de l'étude), 34% des foyers éligibles au RSA n'y recourraient pas chaque trimestre et 20% seraient non-recourants de façon prolongée (trois trimestres consécutifs) au cours de l'année. Ce résultat permet de reconstituer les montants correspondants. Ainsi, "les sommes non versées correspondant au non-recours au RSA atteindraient 750 millions d'euros, par trimestre, sur le champ couvert". Un montant qui correspond à une dépense potentielle de 3 milliards d'euros par an. Ramené au niveau de chaque bénéficiaire potentiel, la perte consécutive au non-recours serait de l'ordre de 330 euros par mois et par unité de consommation, "soit un montant du même ordre de grandeur que celui perçu par les recourants, même si les non-recourants sont un peu plus nombreux à être éligibles pour de petits montants". Par ailleurs, la Drees précise que les taux de recours les plus élevés s'observent chez les personnes de moins de 30 ans, en couple sans enfant, diplômées, hébergées chez leur parent ou propriétaires de leur logement, résidant dans des communes rurales ou dans l'agglomération parisienne.
Un progrès indéniable, mais des points restent à explorer
Même si l'étude apporte enfin une estimation fiable du taux de non-recours au RSA, elle n'est pas exempte d'un certain nombre de biais ou de questionnements, mis en avant par la Drees elle-même. Tout d'abord, il apparaît que le nombre de foyers bénéficiaires du RSA dans l'ERFS est inférieur de 20% au nombre observé dans les données exhaustives de la Cnaf, sur un champ et une temporalité similaires. Pour la Drees, "la raison principale de cet écart semble être liée à une sous-représentation des foyers sans revenus dans l'ERFS". Toutefois, si on fait l'hypothèse que cette sous-estimation affecte autant la simulation des éligibles que l'observation effective des recourants, il est possible d'estimer un taux de non-recours cohérent, en rapprochant les recourants et éligibles au sein de l'ERFS.
Ensuite, une partie des recourants au RSA et à la prime d'activité "ne sont pas simulés comme éligibles par le modèle de micro-simulation". C'est le cas de 17% des allocataires du RSA et de 39% des allocataires de la prime d'activité. Pour la Drees, "cette imprécision dans l'estimation des éligibles, phénomène incontournable, peut s'expliquer en partie par des traitements internes à l'ERFS (imputations de revenus ou de prestations à des personnes statistiquement proches)", ainsi que par des omissions ou erreurs de déclaration dans les données d'enquête comme dans les informations communiquées aux CAF.
Enfin et surtout, la principale source potentiellement importante d'erreur réside dans l'absence d'information sur les variations infra-annuelles de revenus. Ceci vaut tout particulièrement pour la prime d'activité, dont le barème repose sur les revenus d'activité mensuels et peut varier sensiblement au fil des mois. Cette connaissance des trajectoires infra-annuelles "constituerait un élément décisif de validation, d'affinement et/ou d'amélioration de la méthode". La Drees attend donc beaucoup d'un accès au dispositif de ressources mensuelles (DRM), qui "serait un facteur d'avancée déterminant pour mieux mesurer le non-recours". Ceci permettrait notamment de calculer un taux de non-recours significatif pour la prime d'activité.
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