Au moment où nous publions cette édition qui restera en ligne jusqu'à fin août, notre exercice annuel consistant à vous proposer des articles de synthèse sur l'actualité des mois passés et, surtout, à esquisser ce qui est attendre à la rentrée… est évidemment cette fois une mission quasi impossible faute de gouvernement autre que celui chargé de gérer les affaires courantes et faute d'Assemblée nationale en ordre de marche. Et la parenthèse risque de ne pas se refermer tout de suite. Emmanuel Macron a en effet affirmé le 23 juillet qu'il n'avait pas l'intention de nommer de nouveau gouvernement avant la fin des Jeux olympiques : "Jusqu'à la mi-août, on doit être concentré sur les Jeux (…), et puis à partir de là, en fonction de l'avancée de ces discussions, ce sera ma responsabilité de nommer un Premier ministre ou une Première ministre et lui confier la tâche de constituer un gouvernement et d'avoir le rassemblement le plus large qui lui permette d'agir et d'avoir la stabilité", a-t-il déclaré lors de cette première prise de parole depuis les législatives. La première question selon lui étant de savoir "quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée" (balayant ainsi d'un revers de main le nom de Lucie Castets brandi à peine une heure plus tôt par le Nouveau Front populaire pour Matignon). L'entourage du chef de l'État a toutefois précisé que le travail des "forces républicaines" en vue d'une coalition aurait à se poursuivre pendant les JO. En sachant qu'il n'est pas exclu que la fameuse trêve olympique s'étende jusqu'à la clôture des Jeux paralympiques. Ce qui nous amènerait au 8 septembre.

Tombés à l'eau ou restés dans les cartons

Nombre de textes législatifs, de réformes et autres plans ou documents stratégiques ont vu leur parcours interrompu avec la dissolution et les résultats potentiellement équivoques des élections législatives. Et ce, dans pas mal de champs intéressant de près les collectivités et sur lesquels les associations d'élus s'étaient beaucoup investies, au moins en se voulant forces de propositions. Parmi les textes de facto tombés à l'eau, on citera le projet de loi de simplification de la vie économique, le projet de loi d'orientation agricole, deux textes sur l'Outre-Mer… sans compter toute une série de propositions de loi d'origine parlementaire (voir notre article du 11 juin). Beaucoup de choses sont en outre restées dans les cartons de l'Hôtel de Roquelaure concernant l'environnement, l'aménagement et les mobilités (voir notre article dédié dans cette édition). Dans le domaine social et médicosocial, c'est notamment la perspective d'une "vraie" loi grand âge qui s'est de nouveau volatilisée (voir notre dossier).

Il y a aussi le champ du logement. Avec là, qui plus est, un virage antérieur à la dissolution. On n'oubliera pas en effet que celle-ci n'est intervenue que six mois après le dernier remaniement et la nomination du gouvernement Attal. Or si ce remaniement avait assuré certaines continuités – pour les collectivités, on songe notamment au maintien de Christophe Béchu et de Dominique Faure –, quelques changements de portefeuilles ministériels se sont traduits par des changements de cap. Ainsi, sur le logement, le remplacement de Patrice Vergriete par Guillaume Kasbarian n'a pas été anodin. Alors que le premier s'était attelé à la préparation d'un projet de loi centré sur la décentralisation des politiques de l'habitat, il n'en a plus été question. Dans le sillage de la déclaration de politique générale de Gabriel Attal (voir notre article), c'est un projet de loi "Logement abordable" qui a brièvement vu le jour et qui n'avait plus grand-chose à voir avec le précédent (voir notre dossier).

Décentralisation : beaucoup de bruit pour rien ?

Décentralisation… parlons-en. L'éternelle antienne des associations d'élus locaux avait trouvé une nouvelle vigueur depuis fin 2023, l'exécutif ayant remis le chantier à l'ordre du jour. Et ayant donné le coup d'envoi d'une importante séquence de consultations avec le lancement de la mission Woerth en novembre dernier. Si la parole d'Éric Woerth s'est faite relativement rare pendant ses travaux, on a toutefois pu au fil du premier semestre 2024 se faire peu à peu une idée de ce qui se préparait (et de ce que le député de l'Oise excluait, notamment la suppression d'un échelon territorial). Avec un calendrier plutôt serré puisque Gabriel Attal, toujours lors de sa déclaration de politique générale fin janvier, avait annoncé que sur les bases des préconisations de ce rapport, une loi sur les compétences des collectivités serait présentée "avant la fin de l'année 2024". Le rapport a été remis fin mai (voir notre article). Au lendemain, d'ailleurs, d'un rapport finalement très complémentaire, celui de Boris Ravignon sur "le coût du millefeuille administratif" (voir notre article). Dense, bien documenté, ne craignant pas d'apparaître "technique" et pas toujours consensuel, ce rapport Woerth a inévitablement suscité nombre de réactions, marquées par un certain scepticisme (voir notre article).

Début juin encore, donc juste avant les élections européennes et la dissolution, Emmanuel Macron entendait donner une suite à ce rapport puisqu'il demandait à ce qu'"un cycle de concertations, sous l’autorité du Premier ministre, soit mené dès le mois de juin avec les acteurs concernés - associations d’élus, parlementaires, partis politiques - afin d’évaluer les propositions qui pourraient être reprises". Un cycle qui a nécessairement fait long feu. Et maintenant, quelle que soit la future configuration parlementaire et gouvernementale à venir, il y a peu de chances que le rapport Woerth récolte un écho tangible. Ni, plus globalement, que les questions de décentralisation se retrouvent à l'agenda des débuts de la nouvelle législature. Car la campagne des législatives et les déclarations qui ont suivi ce rendez-vous électoral n'ont guère fait apparaître d'appétence particulière pour le sujet, toutes couleurs politiques confondues.

Quel budget ?

S'il est un sujet dont on va en revanche nécessairement beaucoup entendre parler à la rentrée, c'est bien sûr celui des finances publiques. Le sujet sans doute le plus politique du moment, tant les préceptes diffèrent du Nouveau Front populaire à la droite et au-delà. Et un sujet d'autant plus sensible que la Commission européenne vient de lancer une procédure contre la France pour déficit excessif (voir notre article du 26 juillet). Dans tous les cas, il n'y aura pas le choix : un projet de budget va bien devoir être ficelé d'ici début octobre.

Bruno Le Maire, dont l'agenda de ces dernières semaines ne ressemble pas vraiment à celui d'un ministre démissionnaire, prépare le terrain. Il a d'ailleurs fait savoir ce 31 juillet qu'il finalisait les propositions de plafonds de dépenses pour chaque ministère. "Ce que je vais proposer, c'est d'abord de respecter les délais pour qu'il y ait un budget en temps et en heure", a-t-il déclaré sur France 2. "On n'est pas en retard. Je vais envoyer dès cette semaine des propositions de crédits ministère par ministère au Premier ministre, Gabriel Attal, (...) pour qu'il puisse signifier lui-même à ces différents ministères le montant de crédits dont ils disposeront en 2025", a-t-il expliqué. Ces crédits pour 2025 seront "inférieurs" à ceux de 2024 "dans des proportions qui seront significatives", a-t-il ajouté. Selon la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le projet de loi de finances (PLF) doit être déposé au Parlement "au plus tard le premier mardi d'octobre", soit cette année le 1er octobre. "Il faut que ces lettres plafonds soient envoyées avant le 15 août" par le Premier ministre, a insisté Bruno Le Maire. Alors que le gouvernement démissionnaire visait 25 milliards d'économies en 2024 (voir notre article du 11 juillet), il reviendra au prochain gouvernement de décider de l'ampleur du serrage de vis nécessaire en 2025, a-t-il dit. "Ma proposition sera une réduction des dépenses et le retour à l'équilibre en 2027. Si le prochain gouvernement veut faire autre chose, toutes les options seront ouvertes, il aura la liberté de le faire", a-t-il assuré, évoquant un budget "adaptable".

Les défis de Paris 2024

En attendant, le vœu de trêve olympique et politique émis par Emmanuel Macron semblait en partie exaucé en cette toute fin de juillet puisque c'est surtout autour de Paris 2024 (voir notre dossier consacré à l'implication des collectivités dans la préparation de ces Jeux olympiques) que l'on a vu et entendu plusieurs membres du gouvernement, dont Gabriel Attal. Celui-ci réunissait d'ailleurs ses ministres ce 31 juillet pour un point d'étape sur l'événement. Il a à cette occasion évoqué un "véritable succès sur tous les plans", qu'il s'agisse des aspects sportifs, d'organisation ou de sécurité. "Les Jeux sont loin d'être finis, de nombreux défis nous attendent encore", a toutefois prévenu Gabriel Attal, évoquant les compétitions qui se poursuivent jusqu'au 11 août, la cérémonie de clôture prévue ce jour-là, puis les Jeux paralympiques fin août-début septembre, et ajoutant : "Nous ne baisserons pas la garde une seule seconde, quelle que soit la situation institutionnelle ou politique."

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