Une ordonnance du 19 mai 2021, présentée le même jour en conseil des ministres, regroupe différentes mesures relatives aux "services aux familles". Cet intitulé très général recouvre toutefois uniquement des dispositions relatives à l'accueil de la petite enfance et, dans une moindre mesure, à la médiation. En ce sens, l'ordonnance n'infirme pas les récentes observations du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) sur le recentrage, depuis plusieurs années sinon décennies, des politiques familiales sur l'accueil du jeune enfant et la redistribution (voir notre article du 19 mai 2021).

Renforcer l'unicité des modes d'accueil

L'ordonnance du 19 mai, prise sur la base d'un article d'habilitation de la loi du 17 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), comprend un ensemble de mesures assez disparate. L'article Ier a peu d'effets pratiques et possède un côté un peu tautologique. Il inscrit en effet dans le code de l'action sociale et des familles (CASF) le fait que "sont également proposés des services aux familles visant à répondre à leurs besoins et à favoriser le déroulement harmonieux de la vie familiale, depuis la grossesse jusqu'aux 25 ans de l'enfant, dans le respect des droits et besoins des enfants et de leurs parents. Ces services aux familles comprennent notamment les modes d'accueil du jeune enfant et les services de soutien à la parentalité". Ces services, abondamment traités par ailleurs dans le CASF, s'ajoutent ainsi aux prestations familiales, mais aussi aux réductions SNCF, aux aides fiscales, aux allocations liées à la scolarité, aux allocations d'aide sociale pour l'enfance et les familles...

Dans le même esprit, l'article 2 – le plus volumineux du texte – modifie ou introduit plusieurs articles dans le CASF. Il précise ainsi – comme l'article Ier – que ces nouveaux services comprennent "des modes d'accueil du jeune enfant" et "des services de soutien à la parentalité, par l'accompagnement des parents dans leur responsabilité première d'éducation et de soin". Plus intéressant, ce même article affiche une unité de l'ensemble des modes d'accueil en précisant dans la loi qu'établissements d'accueil du jeune enfant (Eaje), assistantes maternelles et gardes d'enfants à domicile participent tous trois à "l'accueil de jeunes enfants"

Des chartes nationales pour l'accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité

L'article 2 liste également les missions des "personnes physiques ou morales qui assurent l'accueil du jeune enfant" : veiller à la santé, à la sécurité, au bien-être et au développement physique, psychique, affectif, cognitif et social des enfants confiés ; contribuer à l'éducation des enfants accueillis "dans le respect de l'autorité parentale" ; contribuer à l'inclusion des familles et à la socialisation précoce des enfants, notamment ceux en situation de pauvreté ou de précarité ; mettre en œuvre un accueil favorisant l'inclusion des familles et enfants présentant un handicap ou atteints de maladies chroniques. À ces missions "traditionnelles" s'ajoutent deux missions plus contemporaines : favoriser la conciliation, par les parents, entre vie professionnelle, familiale et sociale et favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes.

L'article prévoit également, comme déjà annoncé, l'adoption d'une "charte nationale pour l'accueil du jeune enfant", qui s'appliquerait à l'ensemble des professionnels et bénévoles assurant l'accueil de jeunes enfants. Le texte donne par ailleurs une définition du soutien à la parentalité et prévoit, là aussi, l'adoption d'une "charte nationale du soutien à la parentalité".

Les départements éjectés de la présidence du comité départemental des services aux familles

Pour matérialiser l'unicité des différents modes d'accueil, il remplace les relais assistantes maternelles (RAM), créés en juin 2005, par des "relais petite enfance" (RPE). À la différence des RAM, ces RPE seront ouverts aux professionnels de la garde d'enfants au domicile des parents. Bien que les missions des RPE soient renvoyées à un décret, le rapport au président de la République précise qu'"ils seront également  des points de référence et sources d'information pour les parents et les professionnels sur l'ensemble des modes d'accueil, y compris la garde d'enfants à domicile".

Toujours dans le même esprit de transversalité, l'ordonnance remplace la commission départementale de l'accueil des jeunes enfants, créée en 2016, par un "comité départemental des services aux familles". Bien que le rapport au président de la République se garde d'en faire état, l'ordonnance éjecte le président du conseil départemental de la présidence de cette nouvelle instance. C'est en effet le préfet du département qui la présidera, entouré de plusieurs vice-présidents : le président du conseil départemental, un représentant des communes et intercommunalités du département et le président du conseil d'administration de la CAF. Ce comité départemental des services aux familles reprend la mission d'établir un schéma départemental des services aux familles pluriannuel (existant depuis 2016), "qui a notamment pour objet d'évaluer l'offre et les besoins territoriaux en matière de services aux familles et de définir des actions départementales selon des modalités prévues par décret".

Des changements pour les assistante maternelles

Pour sa part, l'article 3 apporte des modifications au métier d'assistante maternelle et clarifie le cadre législatif. Il entérine la pluralité des lieux d'exercice (domicile et maison d'assistantes maternelles, ou MAM). Il limite à quatre le nombre d'enfants qu'une professionnelle est autorisée à accueillir en sa qualité d'assistante maternelle (le nombre précis étant fixé par l'agrément délivré par le président du conseil départemental), et fixe à deux enfants l'agrément initial en qualité d'assistante maternelle (sauf si les conditions d'accueil ne le permettent pas).

Sur le sujet très sensible de la déclaration des places disponibles et de l'affichage sur le site de la Cnaf mon-enfant.fr, l'ordonnance adopte une position médiane en prévoyant que les assistantes maternelles "respectent des obligations de déclaration et d'information, notamment relatives à leurs disponibilités d'accueil". Et que "le manquement à l'obligation de déclaration relative aux disponibilités d'accueil de l'assistant maternel ne peut faire l'objet, pour sa première occurrence, que d'un simple avertissement et ne peut constituer un motif de suspension de l'agrément ou le seul motif de son retrait".

L'article 3 reprend également la possibilité d'extension ponctuelle de l'agrément afin notamment de permettre notamment à une assistante maternelle – à domicile et en MAM – de remplacer plus facilement une collègue et ainsi de lever les freins à l'accès aux soins, au départ en formation ou encore à l'engagement syndical.

Pour leur part, les articles 4 et 6 instaurent la possibilité d'un suivi médical pour les assistantes maternelles travaillant pour plusieurs employeurs, tandis que l'article 5 précise le cadre d'exercice de la profession dans les MAM. Il limite notamment à six, dont quatre simultanément, le nombre de professionnelles pouvant exercer dans une même MAM, ce qui pourrait faire grincer quelques dents au regard des pratiques. Du côté des enfants, le nombre des accueils ne peut excéder 20 simultanément (ce qui ne figure pas dans le code actuel). À l'inverse – s'inspirant de l'expérience de la crise sanitaire –, l'article 5 prévoit la possibilité, pour une professionnelle, d'exercer seule dans une MAM, par exemple en cas d'absence de l'un des autres professionnels ou par choix d'un professionnel de préférer un exercice dans un lieu distinct de son domicile.

Une possibilité d'expérimentation et de délégation

L'article 7 doit favoriser l'accueil par les assistantes maternelles d'enfants atteints de maladies chroniques ou handicapés en reconnaissant à ces dernières la possibilité d'administrer des soins ou traitements médicaux aux enfants accueillis "à la demande de leurs représentants légaux" et "dès lors que cette administration peut être regardée comme un acte de la vie courante [...], que ces soins ou traitements ont fait l'objet d'une prescription médicale et que le médecin prescripteur n'a pas expressément demandé l'intervention d'un auxiliaire médical". L'article 8 étend aux assistantes maternelles l'obligation de formation sur la prévention des violences faites aux enfants, dont les violences sexuelles.

L'article 9 ouvre la possibilité, à titre expérimental et pour cinq ans, de décider collectivement de l'organisation d'une coopération, à l'échelle d'un département, d'un EPCI ou d'une commune, destinée à favoriser le maintien et le développement local des services aux familles. Cette possibilité est ouverte à tout ou partie des acteurs compétents en matière de services aux familles, notamment le département, les communes ou EPCI, ainsi que la CAF. L'article permet ainsi notamment d'expérimenter une délégation de la compétence d'autorisation ou d'agrément du président du conseil départemental vers un autre acteur compétent sur le territoire, en particulier la CAF.

Références : ordonnance n°2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles (Journal officiel du 20 mai 2021)

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