Tirant les conséquences de la réponse, négative, du ministère chargé des collectivités territoriales et de la ruralité à sa question portant sur la possibilité pour les régions de cofinancer la mise en place de polices municipales ou d’équipements de vidéo protection (voir notre article du 23 janvier), le sénateur Jean-Louis Masson (Moselle) a déposé une proposition de loi "tendant à permettre aux régions de subventionner les communes de moins de 3.500 habitants pour la mise en place d’équipements de vidéosurveillance".
Double réduction du périmètre
S’il était adopté, le texte réduirait doublement la portée des "boucliers de sécurité" mis en place par plusieurs régions. D’abord en ne visant que les plus petites – et seules – communes. Dans l’exposé des motifs, l’auteur précise que "les villes et les grandes communes ayant des ressources suffisantes, il est normal de considérer que pour l’installation d’une vidéosurveillance, elles n’ont pas besoin d’une aide supplémentaire de la région". Ensuite en limitant ce soutien à la seule vidéoprotection, alors que plusieurs boucliers (Île-de-France, Aura, Pays-de-la-Loire…) subventionnent aujourd’hui d’autres équipements (véhicules, caméras-piétons, gilets pare-balles, armement…), des dispositifs de sécurisation (portiques, barrières…), voire la construction/rénovation de locaux. On relèvera ainsi que l’État pourrait également faire partie des victimes de ce texte, puisqu’il bénéficie notamment du bouclier francilien pour la construction ou la rénovation de commissariats de police ou des casernes de gendarmerie.
Menaces en germes
Ces "boucliers", et plus généralement l’intervention des régions dans le domaine de la sécurité, ne manquent il est vrai pas d’opposants. Dans un rapport consacré à la gestion des lycées par la région Île-de-France publié en novembre 2021, la chambre régionale des comptes avait ainsi dénoncé l’absence de fondement légal des brigades régionales de sécurité crées par la région en 2019. Elle recommandait à cette dernière "de laisser aux autorités compétentes l’exercice des missions de surveillance et de sécurité des élèves qui, en application des textes, ne relèvent pas de la compétence de la région".
En pleine campagne présidentielle, le préfet de la région Île-de-France – et ancien secrétaire général du gouvernement – Marc Guillaume avait également adressé le 18 janvier 2022 un recours gracieux à Valérie Pécresse lui demandant de revenir sur ce bouclier, dans un courrier révélé par l’AFP. Intervention qui avait d’ailleurs motivé le dépôt de sa question par le sénateur Masson. Dans une motion adoptée le 16 février 2022, les élus du conseil régional d’Île-de-France avaient toutefois réaffirmé leur "plein soutien" au bouclier, "considérant que la région détient la compétence pour financer les équipements des polices municipales au titre de l’article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales qui autorisent à la région à financer 'des équipements collectifs présentant un intérêt régional direct' et au titre de la loi du 21 février 2014 permettant, au titre de la politique de la ville, de 'garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance'". Les élus s’étaient au passage étonnés de cette initiative "soudaine" du préfet de région, prise "à quelques semaines d’échéances électorales nationales […] après 6 années d’application de cette politique et 27 délibérations transmises à son contrôle, toutes validées, et alors que de récentes conventions avec l’État ont été signées avec le préfet de police".
Néanmoins, ces menaces restent globalement en germe. La proposition de loi pourrait ainsi s’avérer être un remède plus nocif que le mal dénoncé.
La parade de la région Sud
À notre connaissance, seule une décision du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2019 a jusqu’ici mis à mal un tel dispositif. Saisi par le préfet des Bouches-du-Rhône, ce tribunal avait en effet annulé la délibération du conseil régional de Paca décidant la mise en place d’un fonds de soutien aux forces de sécurité. Mais la région Sud a depuis trouvé la parade. Et ce, en signant le 21 octobre 2021 une convention, complétée en 2022, avec le ministre de l’Intérieur lui-même, "relative au renforcement de la sécurité en région Paca". Ce texte – qui n’est pas sans rappeler les contrats de sécurité intégrée (voir notre article du 16 mars 2021), même si les engagements de l’État sont ici assez sommaires – stipule notamment que la région participe, à hauteur de 10 millions d’euros par an, à l’équipements des services de la police et de la gendarmerie nationales (y compris la construction/rénovation de casernes), ainsi, "le cas échéant", qu’à celui des services de police municipale. Sous deux réserves : les communes doivent avoir conclu une convention de coordination avec l’État et seuls sont éligibles leurs projets permettant "de renforcer la sécurité des usagers des transports publics et des gares, des élèves et personnels des établissements relevant d’une compétence régionale ainsi que des zones touristiques dont la sécurité doit participer de l’attractivité de la région", qui sont autant de domaines de compétence de la région.
Concrètement, sont aujourd’hui éligibles aux termes de cette convention les services de police municipale "installés ou intervenant sur les zones touristiques internationales, les zones touristiques fixées par arrêtés des préfets de département en région, les communes disposant d’offres d’accueil touristiques, les stations thermales et les stations de sport d’hiver, les communes accueillant un ou plusieurs lycées, les communes 'station classée' et les communes touristiques, les communes desservies par une ligne de train express régionale, une ligne express régionale, une ligne de bus régulière mis en œuvre par la région". Ce qui, dans une telle région, permet assurément d’embrasser large.
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